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"Si cela avait été un accident de la route, je l’aurais accepté": le père de Kamilya, tragiquement tuée par un motard à Vallauris, partage sa "douleur éternelle"

2024-09-16

"Courage petite fille. Une autre vie t’attend." "Repose en paix, petit ange." "Dieu te protégera." "Kamilya, tu es aimée."

Pour accéder au hall de cet immeuble, il faut éviter avec respect les innombrables messages de soutien déposés sur le sol. De chaque côté, des bouquets de fleurs et des poupées recouvrent les marches, témoignant d'une profonde tristesse. Slim Oussaya, le père de Kamilya, nous reçoit, le regard las mais empreint de dignité et de calme au milieu de cette épreuve. Il consent à parler de sa fille et du drame qui a mis un terme à sa vie, survenu le 29 août dernier, devant son domicile, sur un passage piéton de l’avenue du Tapis-Vert à Vallauris. Il exprime son incompréhension face au maintien en liberté du jeune motard responsable, une décision validée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, un choix que son avocat qualifie de "strict respect des règles de droit". Un verdict impensable pour un père qui pleure sa fille de seulement 7 ans.

Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui?

(Soupir) J’éprouve des difficultés à le dire... Perdre un être cher est déjà une souffrance immence, mais perdre un enfant, c’est une douleur qui ne s’effacera jamais. C’est terrible. Terrible. Un enfant ne devrait jamais partir si jeune, surtout pas dans de telles conditions. S'il s'agissait simplement d'un accident, je l’aurais accepté... Mais ce n'est pas le cas.

Vous considérez cela comme un simple accident de la route?

Absolument pas. Il avait le contrôle de sa moto à ce moment-là. Il a choisi de s’amuser au lieu de prêter attention à la vie des autres.

Vous avez exprimé votre colère face à sa libération conditionnelle. Ressentez-vous toujours cette colère?

Oui. Peu importe ce que l’on me dit, ma fille ne reviendra jamais. Ma vie, ainsi que celle de sa mère, a été irrémédiablement changée. Pour elle, c'est encore plus douloureux : elles avaient un lien unique. Elle est dévastée, et je dois m'efforcer de gérer ma propre tristesse pour soutenir ma famille. Mais, je voulais profiter de ce moment pour avertir la jeunesse : "Prenez soin de vous et soyez prudents sur la route." La justice semble se réfugier dans des normes juridiques éloignées de la réalité.

Pensez-vous que la décision des magistrats envoie un mauvais message à la société?

Qu'il passe un an ou dix ans en prison, cela ne ramènera pas ma fille. Il faut penser à ceux qui pourraient être impactés par ses actes à l’avenir. S'il avait respecté le code de la route, cela ne se serait pas produit. Les accidents arrivent, oui, mais pas dans des conditions aussi irresponsables.

Vous êtes-vous constitué partie civile?

Oui. Nous avons entièrement confiance en notre avocat [Me Nabil Boudi]. Nous aurons accès aux photos de l’autopsie et aux vidéos de surveillance, où nous pourrons voir notre fille projetée à une vingtaine de mètres... À ce moment-là, je crains que ma colère ne refasse surface.

Vous l’avez décrit comme "un lâche" qui "n’assume pas". Pensez-vous qu’il ment ou qu’il est dans le déni?

Il sait exactement ce qu’il a fait et continue de l’assumer. Pour moi, il ne peut pas réduire sa responsabilité. Nous allons exiger justice.

Il prétendait rouler à seulement 30 km/h. Que pensez-vous de cette affirmation?

Cela me semble vraiment incroyable. Mes amis motards m’ont toujours dit qu'atteindre un équilibre sur une moto à 30 km/h est une technique complexe à maîtriser si l'on veut que la moto se cabre.

Il a aussi dit que le cabrage était involontaire...

Oui, bien sûr... tout comme ma voiture peut rouler sur deux roues toute seule ! C’est juste une excuse. Mais derrière cela, il m’a volé ma fille. On ne peut ôter tant de vies sans conséquences. Kamilya avait un sourire éclatant et un caractère fort, elle était déterminée dans tout ce qu’elle entreprenait.

Attendez-vous des excuses ou un pardon de sa part?

Non, je ne m’attends à rien. J’avais été capable de lui dire que je ne lui en voulais pas le jour où j'ai vu ma fille au sol, saignant. Mais ce que je voulais, c’était qu'elle survive. Il a brisé une vie, et je tenais à ce qu’il reconnaisse ses actes. Au lieu de cela, il se dédouane, accusant sa moto... Cela devient incroyable.

Pensez-vous qu’il y a encore la possibilité de pardon?

Non. Plus jamais.

Pouvez-vous nous parler de la personnalité de Kamilya?

C’était une boule d’énergie, pleine de vie. Tout le monde l’aimait. Ses enseignants sont en pleurs, de nombreux camarades ne souhaitent plus retourner à l’école. Même les commerces du quartier ressentent cette perte. Ce Mattéo n'a pas réalisé l'ampleur de son acte ce jour-là.

Sa mort a suscité une vive émotion en France. Êtes-vous surpris par la réaction de la foule?

Oui. Je ne comprends toujours pas comment tout cela a pris une telle ampleur. C’est touchant de voir à quel point les gens se mobilisent, comme ce magicien qui a créé un portrait de Kamilya avec des découpes de papier. C’était un appel à l’unité, une réaffirmation de notre humanité dans des moments sombres. Ils ont montré qu’en soutien à Kamilya, nous sommes tous solidaires.

Des polémiques ont également émergé...

Chaque personne a le droit d’avoir son opinion. Certains se demandent : « Où était le père à ce moment-là ? » J’ai éduqué mes enfants pour qu’ils soient responsables. D’après les témoignages des témoins, mes enfants étaient exemplaires, regardant bien à gauche et à droite avant de traverser. Ils n’étaient pas imprudents.

Craignez-vous que cette tragédie soit utilisée à des fins politiques?

Honnêtement, cela m’importe peu. Je préfère voir une véritable réforme, cela contribuerait à rendre les routes plus sûres. La France ne peut pas se permettre de rester dans cette situation.

Vous et votre épouse devez rester forts pour votre fils de 11 ans, comment gérez-vous cela?

C’est impératif. C'est fragile, chaque jour. Imaginez devoir protéger un enfant et le perdre soudainement…

Était-il essentiel pour vous que Kamilya soit enterrée en Tunisie, sur ses terres d’origine?

Elle est née à Antibes avec la double nationalité. Nous aurions aimé qu’elle repose ici, près de nous, mais c'était le souhait de ses grands-parents.

Envisagez-vous de déménager après ce drame?

Chaque jour, je vois le lieu du drame, c’est insupportable. Mais l’idée de déménager ne nous avait jamais effleurés car cet endroit était plein de bonnes choses, de beaux voisins.

Le maire de Vallauris vous a-t-il apporté son soutien?

Il prend régulièrement de nos nouvelles. Nous espérons le rencontrer pour discuter des mesures à prendre pour sécuriser cette route. Cela ne doit pas attendre une décennie.

Comment vous sentez-vous en attendant le procès?

J’espère que cela ne prendra pas trop de temps. C’est très éprouvant, apprendre que le coupable est en liberté, c’est dévastateur. La justice semble ne pas percevoir la profondeur de notre souffrance.

Qu’espérez-vous de la justice?

Que chacun prenne la responsabilité de ses actes et n’invente pas d’excuses. Il n’y en a pas.

Comment souhaitez-vous que les gens vous soutiennent après ce terrible incident?

J’aimerais qu’ils s’engagent à faire pression pour un changement des lois. J’ai l’impression qu’en ce moment, les délinquants semblent plus défendus que ceux qui protègent notre sécurité.

Un dernier mot pour tous ceux qui vous ont soutenu?

Je suis profondément reconnaissant envers tous ceux qui sont venus à nous, les services d’urgence, les médecins, et même les journalistes qui ont respecté notre douleur. Ce soutien est incommensurable.