Rumilly, Haute-Savoie – Une enquête révélatrice

À Rumilly, en Haute-Savoie, les souvenirs d’enfance de Gilles * sont teintés de mélancolie. Les décharges de sa commune, autrefois terrains de jeux, sont désormais un symbole poignant des conséquences d’une industrialisation négligente. En transformant des fûts abandonnés en radeaux, il n'aurait jamais imaginé le lourd tribut qu’ils allaient faire payer à sa santé, ainsi qu'à celle de toute une communauté. Le témoignage de Patrice *, passionné de motocross, de ces fameux tas de boues déversés par Tefal, est tout aussi révélateur : "J'ai toujours eu le pressentiment que nous devions payer un jour les conséquences de cette imprudence."

Une enquête approfondie

Une enquête approfondie menée par Reporterre met en lumière l'impact dévastateur de l'activité de Tefal. Les documents obtenus révèlent que des déchets ont été enfouis à Rumilly entre 1968 et 1989, créant des sources de contamination aux PFAS, des « polluants éternels », qui persistent jusqu’à aujourd'hui. L'eau potable de cette ville de 16 000 habitants a été déclarée contaminée par du PFOA, une substance cancérigène interdite depuis 2020, bien au-dessus des recommandations sanitaires.

Les dangers invisibles de la pollution

Un dôme verdoyant, cachant un passé troublant, s’élève au-dessus de l'ancienne décharge de Tefal, où le géant des poêles a enfoui 30 000 m³ de boues polluées. Les analyses montrent que, 35 ans après l'arrêt des dépôts, la nappe phréatique reste gravement contaminée, avec des niveaux de PFOA atteignant 17 900 ng/l, un chiffre alarmant qui dépasse presque neuf fois la norme de qualité pour les eaux brutes. Les experts estiment que le Chéran, un cours d'eau voisin, a probablement été touché par ce ruissellement toxique.

Les PFAS, connus pour leur capacité à se bioaccumuler dans la chaîne alimentaire, posent un risque supplémentaire, notamment pour la faune aquatique. "Je déconseillerais de consommer du poisson pêché dans ces eaux contaminées", avertit un spécialiste de la chimie environnementale.

Une inquiétude grandissante

Une inquiétude grandissante s'élève également concernant la santé publique. Un rapport récent a révélé des taux de PFOA quatre à six fois supérieurs à la moyenne nationale chez cinq femmes vivant à Rumilly. Si des études plus poussées sont envisagées, aucune recherche sur l’impact direct sur la santé humaine n'est actuellement prévue.

Limbes réglementaires et crainte communautaire

Les communautés environnantes sont en état d’alerte. Une ferme localisée à seulement quinze minutes en voiture du plan d’eau des Pérouses a été identifiée comme un autre point de déversement de boues par Tefal. Ces sites, aujourd'hui paisibles, cachent un passé mortel qui a des répercussions sur l'approvisionnement en eau des habitations avoisinantes. Des taux de PFOA ont été détectés dans des sources d’eau utilisées pour abreuver les animaux, mettant en péril la sécurité alimentaire locale.

La population de Rumilly, comprenant des employés de Tefal, semble être encore largement mal informée de la gravité de la situation. Un habitant persiste à utiliser son puits pour arroser son potager, tandis qu’un membre d’une association environnementale se dit profondément alarmé et a cessé toute culture.

Les autorités locales sont accusées de ne pas prendre la menace au sérieux. Le maire Christian Dulac, élu récemment, reconnaît les inquiétudes, mais demeure sceptique quant à la portée de la contamination. Les conclusions d'une étude révélée en octobre 2023 soulignent déjà des risques d'exposition importants.

Position de Tefal

Tefal, pour sa part, continue à insister sur le fait qu'elle a toujours respecté les réglementations de l'époque. Cependant, face à des niveaux de contamination parmi les plus élevés enregistrés en France, le bien-être des résidents reste en jeu. Alors que la lutte contre la pollution avance lentement, l'héritage toxicologique de Tefal pèse lourd dans l'histoire de Rumilly, laissant à chacun la question : combien de temps faudra-t-il encore pour en voir le bout ?

Les témoignages et les préoccupations populaires témoignent d'une crainte partagée : cette tragédie environnementale pourrait bien faire basculer l’avenir de Rumilly.