Cette année, la rentrée littéraire d'hiver est marquée par une surabondance de nouveaux titres, impossible à ignorer. Dans toutes les librairies de France, les étagères débordent des derniers romans de Vanessa Springora, Leïla Slimani, Pierre Lemaitre, Lola Lafon et Haruki Murakami, fréquemment cité comme candidat potentiel pour le prix Nobel de littérature. Mathilde Charrier, libraire au Rideau Rouge à Paris, souligne : « Ce sont les romans les plus attendus, donc on doit les avoir ». Hélas, cela signifie également que bon nombre d'autres livres passent inaperçus, noyés dans un océan de nouveautés.

Pour ce début d'année, pas moins de 507 romans seront publiés, soit 48 de plus que lors de la rentrée d'automne de l'année précédente, où 459 titres avaient déjà vu le jour. Mathilde déplore pourtant une tendance inquiétante : « Le secteur est en difficulté, les ventes ont baissé l'année dernière, mais la production ne cesse d'augmenter, c'est absurde. » En effet, en vingt ans, la production littéraire a explosé, avec une augmentation de plus de 50 % du nombre de titres publiés.

Une pause nécessaire : la trêve des nouveautés

Face à ce tsunami littéraire, il devient difficile pour les lecteurs de faire leur choix. Des libraires comme Ayla et Solveig de La Nuit des temps à Rennes ont commencé à s'interroger sur la surproduction littéraire. En juin 2024, Amanda Spiegel, vice-présidente du syndicat de la librairie française, déclarait : « Nous appelons à une réduction drastique, ce qui serait bénéfique pour l'ensemble de la profession. »

Bien que cet appel soit resté sans écho pour l'heure, certaines librairies ont pris les devants. À l'initiative d'un collectif pour l'écologie du livre, plusieurs d'entre elles ont décidé de décréter une trêve des nouveautés de janvier à juin 2024. L'objectif ? « Sortir du flux et permettre une respiration », pour à la fois calmer les esprits et relancer le dialogue dans l'industrie.

Retrouver le sens du métier de libraire

Ces librairies entrées en résistance ont adopté diverses stratégies. Certaines refusent totalement les nouveautés, tandis que d'autres, comme le Rideau Rouge, appliquent une pause sur le superflu. Pour Mathilde, ce moment de répit est salvateur : « Cela nous permet de redonner un sens à notre métier et de mieux vendre des livres. » Les libraires affirment aussi qu'il est crucial de lire les ouvrages pour correctement les conseiller. Ayla évoque le stress de devoir débarrasser les cartons : « C'est comme jouer à Tetris en permanence.

Lors de cette rentrée littéraire, La Nuit des temps a opté pour une approche prudente, ne commandant presque aucune nouveauté, à l'exception de quelques titres majeurs. Les libraires affirment avoir regagné leur curiosité et enthousiasme en prenant le temps de découvrir et d'apprécier les livres avant de les mettre en avant.

L'impact d'une pause

Pour ces librairies, cette pause des nouveautés n'a pas été perçue négativement par les clients. Au contraire, elles ont vu une légère augmentation des ventes de 1,7 % par rapport à l'année précédente. « Cela prouve qu'il est possible de faire les choses différemment », se réjouit Mathilde. Les librairies cherchent ainsi non seulement à améliorer leur équilibre, mais aussi à offrir une véritable expérience de lecture, en proposant des titres moins récents mais tout aussi précieux.

Dans la quête d'un renouveau, ces librairies affichent seulement une vingtaine de nouveautés, en les mettant côte à côte avec des titres de la rentrée précédente, permettant ainsi aux lecteurs de prendre le temps de savourer des œuvres moins connues.

Restez attentifs !

Alors que l'industrie littéraire se débat pour trouver un équilibre sain, ces librairies pionnières pourraient bien ouvrir la voie à un changement profond dans le monde des livres. Si vous avez l'habitude de vous précipiter pour acheter les derniers best-sellers, peut-être serait-il temps de redécouvrir des joyaux cachés parmi les titres moins récents ? Les librairies vous invitent à ralentir et reconsidérer la façon dont vous explorez la littérature.