
Face au changement climatique, les céréaliers s'appuient sur le commerce et l'innovation scientifique
2025-03-25
Auteur: Julie
Comment les céréaliers peuvent-ils faire face aux bouleversements climatiques croissants ? C'est ce sujet crucial qui a été discuté lors d'une table ronde organisée par Intercéréales le 19 mars, mettant en lumière l'avenir des céréales françaises sur le marché mondial.
À l'international, les rendements des cultures majeures comme le blé, le maïs, le soja et le riz ont montré une tendance à la hausse ces dernières années, selon Alexis Poullain, expert des matières premières à la FAO. Cependant, cette dynamique varie fortement : elle se concentre surtout dans les pays émergents et en développement d'Amérique latine, d'Asie et d'Europe de l'Est.
L'impact du changement climatique est alarmant, car il intensifie la fréquence des événements météorologiques extrêmes, ce qui pourrait affecter encore plus les rendements agricoles à l'avenir et créer une « nécessité accrue de commerce entre régions ». Pour Philippe Mitko, représentant des exportateurs de céréales, le commerce a joué un rôle de régulation pendant 10 000 ans, s'ajustant aux variations de production pour répondre aux besoins.
Il souligne que les entreprises de commerce robustes et diversifiées en Europe sont mieux positionnées pour faire face à ces défis.
D’après deux études projets portant sur l'agriculture en 2050 en lien avec le changement climatique, l'une de la FAO et l'autre de l'Inrae, la situation pourrait sembler favorable pour l’Europe. "Nos principaux débouchés se trouvent en Afrique et au Moyen-Orient, des zones qui seront impactées par une baisse de production. À court terme, l'Europe pourrait ne pas souffrir autant du changement climatique, particulièrement si nous continuons à avoir des rendements élevés", explique Poullain.
L'innovation scientifique et technologique apparaît comme un levier essentiel pour faire face aux conséquences du changement climatique. Les données satellitaires, par exemple, améliorent la précision des pratiques agronomiques. En collaboration avec Geoglam, des analyses combinées d'observations au sol et d'imagerie satellite ont pu démontrer que les blés de printemps sont particulièrement vulnérables aux pertes de rendement en raison du changement climatique.
Des investissements considérables dans des pays comme les Émirats arabes unis visent à réduire l'incertitude climatique. Roland Guiragossian évoque des initiatives telles que l'ensemencement des nuages pour générer des précipitations et la mise en place de fermes verticales à Dubaï qui exploitent l'hydroponie et l'aéroponie.
Ces fermes cultivent efficacement des fruits et légumes hors sol, bien que l'accent soit moins mis sur les céréales. Stéphan Jezequel, directeur scientifique d'Arvalis, souligne que l'approche la plus innovante pourrait résider dans les pratiques agricoles individuelles des agriculteurs, qui choisissent les variétés de racines et s'efforcent d'améliorer la fertilité du sol tout en réduisant leur dépendance aux intrants chimiques. La France, selon lui, surpasse les autres en matière d'agroécologie, attirant même l'attention des agriculteurs américains.
Concernant la durabilité des innovations, Jezequel note que même si les équipements agroéquipements peuvent offrir des solutions immédiates, leur coût demeure un obstacle majeur pour les agriculteurs, notamment en matière de désherbage. Il anticipe que les grandes cultures seront les dernières à bénéficier des robots en raison des défis économiques liés à leur mise en œuvre.
En se tournant vers l'avenir, vers 2030, une généralisation de l'utilisation des biointrants et des méthodes d'agriculture chimique respectueuses de l'environnement pourrait voir le jour. D'ici 2035, les avancées en génomique devraient permettre de concevoir des plantes capables de s'adapter à des conditions de croissance peu idéales. Pour Mitko, "le potentiel des nouvelles technologies et du biotechnologie pour l'agriculture est infini", et il espère voir des variétés de blé résistantes à la sécheresse atteindre la production en Europe prochainement.
À plus long terme, des innovations dans la gestion du microbiote du sol pourraient révolutionner les pratiques culturales pour optimiser la santé des plantes. Selon Jezequel, encore à un stade précoce, ces développements nécessiteront au moins jusqu'en 2045 pour que les agriculteurs disposent des outils de pilotage nécessaires.
Bien qu'il existe déjà d'innombrables solutions techniques pour adapter l'agriculture aux défis climatiques, Alexis Poullain souligne l'importance d'une coordination politique pour favoriser l'application de ces innovations, un élément clé souvent négligé dans les discussions scientifiques.