
Désespoir médical : cinq questions sur la loi transpartisane discutée à l'Assemblée nationale
2025-04-02
Auteur: Louis
Faut-il vraiment réguler l'installation des médecins pour remédier à la pénurie médicale qui frappe de nombreuses régions en France ? Ce mercredi 2 avril, les députés se retrouveront pour examiner une proposition de loi transpartisane qui pourrait bien changer la donne. Selon Guillaume Garot, député socialiste de Mayenne et instigateur du projet, "six millions de Français vivent sans médecin traitant". Ce n'est pas qu'une simple question politique, mais une véritable problématique de solidarité nationale. Cette proposition a reçu le soutien inattendu de 252 députés issus de divers horizons politiques.
Cependant, malgré cette grande coalition, la proposition fait débat, notamment en raison de son article 1, qui vise à encadrer la liberté d'installation des médecins. Récemment, cet article a été supprimé en commission, après un vote très serré (32 pour, 28 contre). Toutefois, les auteurs de la loi prévoient de le réintroduire lors de la séance publique.
1. Que propose le texte ?
L'élément central de ce projet de loi est l'article 1, qui prévoit de "diriger l'installation des médecins vers les zones sous-denses en matière de soins". En d'autres termes, les agences régionales de santé (ARS) se voient confier le pouvoir d'accorder des autorisations d'installation. Deux scénarios se dessinent : dans les zones en manque de médecins, l'autorisation sera automatiquement accordée pour toute nouvelle installation, tandis que dans les zones où l'offre est suffisante, elle sera conditionnée à la cessation d'activité d'un médecin pratiquant la même spécialité.
Les autres articles du texte semblent susciter moins de controverse. Par exemple, l'article 2 prévoit d'éviter que les consultations chez un généraliste soient plus chères pour les patients sans médecin traitant. Actuellement, un rendez-vous avec un médecin traitant remboursé par la Sécurité sociale est de 19 euros, alors que sans médecin traitant, il ne s'élève qu'à 8,40 euros. De plus, l'article 3 vise à garantir une formation médicale de base dans chaque département, et l'article 4 souhaite rétablir l'obligation de permanence des soins les soirs, week-ends et jours fériés. Le dernier article se concentre sur le financement de cette loi.
2. Pourquoi tant de critiques ?
L'article 1 suscite un flot de critiques, malgré un constat partagé sur les difficultés d'accès aux soins. Au sein de la majorité présidentielle, certains membres doutent de l'efficacité d'une régulation de l'installation des médecins. Par exemple, Stéphanie Rist argue que l'augmentation du nombre de médecins formés et la multiplication des installations libérales seraient plus bénéfiques.
À droite, la crainte est que cette loi soit contre-productive. Thibault Bazin, élu républicain, avertit que cette régulation pourrait inciter de futurs médecins à se diriger vers le salariat, limitant ainsi l'accès aux soins. De même, le député d'extrême droite Christophe Bentz qualifie cette régulation de "coercition" et d'"illusion".
Les défenseurs du projet minimisent les inquiétudes, affirmant que les mesures sont très modérées. Philippe Vigier précise que les règles d'installation ne changeront pas fondamentalement pour la plupart des territoires français.
3. Quelle est la position des médecins ?
Les médecins s'opposent majoritairement à cette proposition, défendant leur liberté d'installation. Jean-Christophe Nogrette, représentant des généralistes, critique ouvertement la régulation, la considérant comme une approche démagogique. Le collectif "Médecins pour demain" s'est félicité de la suppression de l'article 1, soulignant l'importance de la liberté d'installation.
4. Que pensent les patients ?
Les patients, quant à eux, accueillent favorablement la régulation de l'installation des médecins. En dépit d'une hausse du nombre de médecins ces dernières années, ils sont inégalement répartis, ce qui crée des absences de soins critiques dans certaines régions. Selon une enquête Ipsos, 86% des sondés affirment qu'une répartition plus équitable des médecins est essentielle, et une majorité soutient même une imposition temporaire de leur lieu d'exercice.
5. Quelles sont les chances d'adoption ?
L'avenir de cette proposition de loi reste incertain. Bien que soutenue par de nombreux députés de divers partis, y compris des membres de la majorité présidentielle, l'éventualité de son adoption intégrale semble compromise. Guillaume Garot reste optimiste, affirmant que la prise de conscience de la crise médicale s'accroît, même si des résistances persistent. Il est essentiel de ne pas minimiser cette question cruciale pour l'avenir de la santé publique en France.