Alors que Rennes connaît une flambée d'ouvertures de librairies, avec quatre nouvelles adresses maintenant le total à 21, la réalité du marché se révèle complexe pour certains libraires. Corentin, gérant de la Nef des Fous, a récemment décidé de fermer sa librairie, se sentant acculé par des difficultés financières croissantes.

En fin d'année 2022, la librairie a dû réduire ses effectifs, licenciant son salarié en CDI, mais les défis économiques n'ont fait qu'empirer. Corentin explique : « Avec cette grande perte de trésorerie, nous espérions des jours meilleurs, mais la situation s'est aggravée avec les manifestations contre les reformes des retraites, qui ont dissuadé les clients de venir. Les samedis, autrefois bénéfiques, n'ont plus eu le même impact. »

La fermeture de la Nef des Fous n'est pas un cas isolé à Rennes. La librairie emblématique du quartier Sainte-Anne, le Pécari Amphibie, a également mis la clé sous la porte au début de 2024, et le Forum du Livre, en redressement judiciaire, a été sauvé in extremis. De même, la librairie bretonne L’Encre de Bretagne a récemment révélé des problèmes de trésorerie.

Corentin souligne un manque de soutien de la part des responsables politiques et critique le système : « Plutôt que de décorer Jeff Bezos, il faudrait urgentement aider les librairies indépendantes. Les maisons d'édition, en concentrant les nouvelles sorties à la fin de l'année, mettent notre survie en danger. Qui peut se permettre d'acheter une bande dessinée à 40 € en ces temps difficiles ? »

Malgré les difficultés croissantes depuis le début de l'année 2024, Corentin se dit étrangement soulagé après avoir annoncé la fermeture de sa librairie sur les réseaux sociaux. « C'est comme une rupture avec une relation toxique », confie-t-il. Son amour pour la bande dessinée n'a pas disparu pour autant, et il espère retrouver de la joie dans cette passion. Cependant, il n'est pas sûr de l'avenir qu'il souhaite dans ce milieu. Après 15 ans, il envisage sérieusement de changer de carrière et a commencé à postuler dans d’autres secteurs : « Si je trouve un travail salarié, cela m'apportera un équilibre, moins d'heures et plus de temps pour ma famille. »

Alors que la scène littéraire de Rennes s'enrichit, les défis que rencontrent certains libraires indépendants mettent en lumière une précarité inquiétante. Que l'on soit amateur de littérature ou simplement soucieux des réalités économiques, il est temps de soutenir ces bastions de la culture qui, malgré les vents contraires, continuent de défendre la passion des livres.