Monde

REPORTAGE. "Le plus horrible aujourd’hui, c’est le plaisir qu’ils prennent à nous regarder souffrir" : En Arizona, l'angoisse croissante des demandeurs d'asile après la réélection de Donald Trump

2024-11-08

Auteur: Philippe

La question brûlante qui se pose est : Trump 2 sera-t-il plus impitoyable que Trump 1 ? Pendant toute sa campagne électorale, le milliardaire républicain n’a pas hésité à employer une rhétorique agressive vis-à-vis des migrants, qu’il qualifie de ‘’poison pour le sang’’ américain. Récemment réélu, à la surprise générale, il s’est empressé de réitérer son intention de lancer une campagne d’expulsions massives sans précédent dans l’histoire des États-Unis.

Ce flou dans la gestion migratoire ne fait qu’intensifier le sentiment d’anxiété, voire de panique, parmi les migrants déjà présents sur le sol américain. En Arizona, par exemple, environ 250 000 personnes sont sans papiers et vivent dans la crainte d’être arrêtées.

À la sortie du bâtiment des services d’immigration de Phoenix, Sara, originaire du Honduras et arrivée en 2021, est envahie par l’angoisse. Elle marche rapidement et est réticente à répondre aux questions. Elle déplore : "Si on ne m’accorde pas l’asile, je recevrai un ordre d’expulsion. Je ne pense pas que je pourrai obtenir une réponse avant que Trump ne prenne ses fonctions en janvier, les délais sont souvent longs, parfois jusqu’à un an. C’est un processus très éprouvant."

De son côté, Josée, coordinateur d’une organisation d’aide aux migrants appelée Aliento, partage sa désolation : "Nous ne sommes plus dans un marathon, nous sommes dans un 100 mètres !" Sa dernière réunion avec d’autres associations d’aide a porté sur les recours juridiques possibles que les demandeurs d’asile pourraient envisager sous la présidence de Trump.

Cependant, ce qui inquiète vraiment Josée, ce n’est pas tant Donald Trump lui-même que les personnes qui l’entourent. Certains demandeurs d’asile ont même évoqué des plans d’’auto-dépportation’’ s’ils sentent qu’ils ne peuvent plus supporter la persécution. Josée envisage des solutions pour reloger des migrants au Mexique ou dans d’autres pays si nécessaire.

"Ce qui me fait peur, ce ne sont pas les décisions du président, mais les personnes qui tirent les ficelles derrière lui", explique-t-il. "Des gens comme son conseiller Stephen Miller et ceux de la Fondation Heritage, j’ai pu discuter avec eux. Ils m’ont confié qu’ils éprouvaient du dégoût à l’idée de coexister avec des personnes comme moi... Pour les satisfaire, Trump pourra être amené à sacrifier certains migrants. Ce qui est le plus horrible, c’est de les voir prendre plaisir à notre souffrance."

Cependant, tout le monde ne partage pas ce sentiment d’urgence. Larry, arrivé du Vietnam il y a deux ans, essaie de renouveler son permis de travail. Il critique les migrants actuels, qu’il appelle les « boat people », soulignant qu’ils ne respectent pas les règles. "Il faut agir légalement, pas illégalement. Regardez-moi, j’ai suivi le processus et j’ai payé mes taxes, c’est la bonne manière", affirme-t-il.

Felix, arrivé du Rwanda en 2017, reste sceptique face aux menaces d’expulsions massives proférées par Trump. Les migrants d’Arizona montrent des niveaux variés d’inquiétude, mais un sentiment d’isolement collectif, de intérêt personnel, semble croître, alors que personne ne peut prédire avec certitude comment se déroulera la politique migratoire sous la présidence de Donald Trump.