Le castor : l'étonnante renaissance d'un nuisible devenu symbole
2025-01-04
Auteur: Louis
Au XIXe siècle, le castor était un animal que peu d'Européens avaient eu l'occasion d'observer. Presque disparu, sa présence se limitait à quelques récits, souvent embellis, par des naturalistes désespérés. Rémis Luglia, chercheur au laboratoire Histemé de l'université de Caen-Normandie, souligne que les scientifiques de l'époque ne s'appuyaient pas sur des observations fiables, mais sur des croyances anciennes. Dans son ouvrage, *Vivre en castor* (Quae, 2024), il montre que Buffon, dans son *Histoire naturelle*, se concentrait sur le castor canadien, délaissant ainsi son cousin européen, le Castor fiber, qui est bien plus discret et nocturne, vivant principalement dans des terriers.
À travers le temps, le regard porté sur ces animaux a évolué. Au début du XXe siècle, alors que le castor était chassé pour sa fourrure, des voix commencent à s'élever en sa faveur. Les premiers arrêtés interdisant sa capture voient le jour en 1909, marquant le début de sa réhabilitation. Les naturalistes reconnaissent progressivement que les nuisances que cet animal causait provenaient en réalité d'un déséquilibre créé par l'activité humaine.
La perception du castor comme un nuisible a changé, au point qu'aujourd'hui, il est reconnu pour son rôle essentiel dans l'écosystème. Il est désormais considéré comme un "ingénieur des écosystèmes aquatiques" capable de rétablir l'équilibre hydrologique, sédimentaire et biologique. En effet, ses barrages favorisent la biodiversité en créant des habitats pour de nombreuses espèces.
Dans les années 1960, des programmes de réintroduction sont mis en place après des sensibilisations auprès des populations locales. Les habitats sont restaurés et les castors commencent à recoloniser leurs anciens territoires. Aujourd'hui, on estime leur nombre à environ 1,5 million en Europe, contre 1 200 seulement autour de 1900. En Suède, la population de castors atteint désormais 130 000 individus, tandis qu'en Russie, elle dépasse les 700 000.
Cependant, malgré ce retour triomphant, la lutte entre la faune et les activités humaines se poursuit. Les agriculteurs demeurent souvent mécontents de la présence des castors, qui sont accusés de causer des dommages aux cultures. Pourtant, les scientifiques estiment que ces nuisances sont souvent exagérées. Ils se limitent généralement aux bords des cours d'eau, préférant les zones moins cultivées. De plus, un certain soutien émerge des riverains qui apprécient la beauté et l'ingéniosité des aménagements réalisés par le castor.
Aujourd'hui, les défis liés à la coexistence avec le castor persistent. Bien qu'aucune indemnisation pour les dommages causés par les castors ne soit en place, des mesures telles que l'installation de siphons pour limiter les inondations sont parfois mises en œuvre. Des solutions plus durables seraient de laisser une bande de quelques mètres le long des cours d'eau pour permettre au castor d'exercer son rôle écologique sans nuire aux activités humaines.
Un fait surprenant : une famille de castors, réintroduite près de Blois, a choisi de s’installer sous une autoroute, démontrant ainsi son incroyable capacité d'adaptation. Depuis quarante ans, ces castors vivent à proximité de zones urbanisées, prouvant que cet animal, jadis nuisible, est désormais un symbole de l'harmonie retrouvée entre la nature et les hommes.