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Décarbonation de l’acier : Le recyclage de ferraille ne suffira pas !

2025-03-10

Auteur: Philippe

L'acier est partout ! Son rôle est crucial dans l'industrie, la construction et notre consommation quotidienne. Toutefois, avec les enjeux climatiques grandissants, il est impératif que sa production devienne verte. Le recyclage de l'acier a été souvent mis en avant comme une solution idéale, soutenue par de nombreux décideurs et industriels.

Cependant, une note d'analyse de France Stratégie, publiée le 23 janvier 2025, remet en question l'effet du recyclage sur la décarbonation de l'acier. Malgré la réduction significative des émissions de CO₂ que le recyclage peut apporter, ce processus ne suffira pas à lui seul pour atteindre les objectifs de transition climatique. Les dynamiques de marché, la disponibilité limitée des ferrailles et les biais comptables qui encouragent son utilisation risquent de détourner l'Europe de l'objectif principal : réduire la consommation d'acier et investir dans des technologies plus respectueuses de l'environnement.

Des défis inhérents au recyclage

Le recyclage de l'acier repose sur la collecte et la refonte de ferrailles dans des fours à arc électrique, une méthode qui, bien qu'elle consomme moins d'énergie que les hauts-fourneaux traditionnels, ne suffira pas. En 2025, le recyclage pourrait compenser à peine un tiers des besoins mondiaux en acier, et d'ici 2050, cela n’atteindra même pas 48 %. Étrangement, la disponibilité de ferraille n’augmente pas en parallèle avec la demande. L'acier reste souvent emprisonné dans les infrastructures, les bâtiments et les véhicules pendant des décennies avant d’être récupéré. Une société reliant son avenir uniquement au recyclage devrait attendre longtemps avant de disposer d'une quantité suffisante pour remplacer la production primaire.

Cette situation crée une concurrence accrue. L'Union européenne, en intensifiant les incitations à utiliser de l'acier recyclé, attire les ferrailles disponibles, laissant ainsi d'autres marchés dans la difficulté. Cette compétition pourrait paradoxalement accroître les émissions globales de CO₂, car les nations émergentes, privées de ferrailles, continuent d'opérer leurs hauts-fourneaux traditionnellements polluants, accentuant ainsi la crise climatique mondiale.

Politique publique : un décalage alarmant

Les règlements en place favorisent l’utilisation d’acier recyclé en réduisant artificiellement son empreinte carbone. Les entreprises parviennent à afficher un bilan environnemental positif simplement en achetant de l’acier recyclé, sans que cela ne se traduise par une diminution réelle des émissions dans la production sidérurgique. Ce déséquilibre détourne l'attention des véritables priorités, à savoir la décarbonation de la production primaire.

Pour compenser cette faille, le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) a été instauré. Malheureusement, sa méthodologie actuelle demeure biaisée, ce qui pousse les sidérurgistes à maximiser leur usage de ferrailles pour bénéficier d'un meilleur positionnement environnemental.

Des solutions pour une transition durable

Pour relever le défi de la décarbonation de l'acier, deux stratégies s'imposent. D'abord, réduire notre consommation d'acier. Souvent négligée, cette voie pourrait considérablement diminuer la demande en acier primaire. L'optimisation des structures, l'adoption de matériaux alternatifs et la promotion d'une approche plus sobre dans la construction et l'industrie sont de véritables opportunités.

Ensuite, il est impératif de décarboner la production primaire. Il est essentiel d’abandonner progressivement les hauts-fourneaux au profit de processus bas carbone. Le recours à l'hydrogène pour la réduction des minerais, le captage et le stockage de CO₂, et les avancées de l'électrification des procédés doivent être encouragés.

Au final, le recyclage de l'acier est un avantage, mais il ne représente pas la solution ultime. Ignorer ses limites et provoquer une concurrence malsaine pour les ferrailles pourrait entraver la transition écologique, loin de l'accélérer. Seule une approche intégrant la gestion de la consommation, une réévaluation des méthodes de comptabilisation du carbone, et des investissements dans des procédés bas carbone pourra relever le défi climatique !