Agriculture : le palpitant débat autour de la loi "écocide" que le Sénat s'apprête à voter
2025-01-27
Auteur: Julie
Le Palais du Luxembourg est devenu le théâtre d'une intense polémique avec la proposition de loi « pour lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », qui arrive en séance le 27 janvier. Ce texte controversé propose la réautorisation des néonicotinoïdes, soutient les projets de méga-bassines, et remet en cause le pouvoir des autorités sanitaires et environnementales. Les réactions sont vives.
Le sénateur écologiste Daniel Salmon a qualifié cette initiative de retour en arrière historique, affirmant que cela constitue une attaque directe contre l’environnement. Jean-Claude Tissot, sénateur socialiste, partage son indignation, arguant qu'on recule au mépris des avancées des deux dernières décennies.
Laurent Duplomb, auteur de ce texte et sénateur issu des Républicains, défend son projet comme une réponse nécessaire aux défis que rencontre le secteur agricole. Près de 192 parlementaires de différentes tendances ont cosigné ce texte, soulignant la forte division que celui-ci crée au sein de l'assemblée.
Les dangers des pesticides
Le premier article du texte abroge une règle essentielle mise en place il y a huit ans, séparant la vente et le conseil en matière de pesticides. Cette mesure permettrait aux entreprises de conseiller les agriculteurs tout en vendant leurs produits, favorisant ainsi des pratiques commerciales douteuses comme l'attractivité des offres promotionnelles sur des produits potentiellement nuisibles.
Avec 68 000 tonnes de substances actives vendues en 2022, la France est le deuxième pays utilisateur de pesticides en Europe, mais cela ne semble pas freiner l'enthousiasme de certains sénateurs pour intensifier l'usage de ces produits. L'article 2 accorde au ministre de l’Agriculture des pouvoirs étendus pour suspendre les décisions de l'ANSES sur l'autorisation de nouveaux produits, autorise également l'utilisation de drones pour la dispersion de pesticides dangereusement inefficaces pour les pollinisateurs.
Charlotte Labauge de l’association Pollinis met en garde : ces insecticides, déjà interdits, peuvent causer des dommages irréversibles à la biodiversité et aux écosystèmes.
Vers une agriculture sans limites ?
Le texte propose également d’assouplir les réglementations entourant la création d’élevages industriels et de favoriser les projets de stockage d’eau, en plaçant l’agriculture devant la conservation des ressources en eau, qui devrait être prioritairement réservée à la santé humaine. Ce renversement de logique soulève de fortes inquiétudes parmi les écologistes, qui craignent une exploitation accrue des ressources aquatiques déjà fragilisées.
De nombreuses voix s’élèvent pour critiquer cette approche. Daniel Salmon rappelle les limites planétaires que nous ne devons pas ignorer, tout en soulignant que l’agriculture industrielle a besoin d’une introspection sérieuse pour se réformer en profondeur et adopter des pratiques durables.
Un soutien contesté
La loi trouve néanmoins des partisans, notamment au sein de la FNSEA, le syndicat majoritaire agrarien, qui soutient qu’elle répond aux attentes d’un secteur en crise. Cependant, même parmi les agriculteurs, des doutes persistent quant à son efficacité pour réellement améliorer les revenus. Importants enjeux climatiques et environnementaux demeurent non résolus, amplifiant la tension autour du projet de loi.
La proximité de la nouvelle ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, avec la FNSEA, ainsi que le passé de Laurent Duplomb dans la chambre d’agriculture, témoignent d'un lobbying intense en faveur de l’agro-industrie. Ainsi, les développements à venir restent au cœur des préoccupations, tant pour la population que pour l'environnement dans un contexte de tension croissante sur la durabilité de nos pratiques agricoles.