Le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Eric de Moulins-Beaufort, a récemment appelé à la transparence concernant les allégations de violences sexuelles touchant l'abbé Pierre. Dans une tribune publiée le 16 septembre dans Le Monde, il a évoqué la nécessité pour l'Eglise de faire toute la lumière sur ces faits et a encouragé d'autres institutions à faire de même. L'abbé Pierre, fondateur du mouvement Emmaüs en France, est aujourd'hui sous la loupe pour des comportements jugés inappropriés qui auraient été connus dès les années 1950.

Le Monde a accédé à des documents d'archives qui montrent que l'Eglise avait une prise de conscience croissante des comportements de l'abbé Pierre, sans jamais les qualifier formellement. Ces documents laissent entrevoir un effort de la part de l'épiscopat français pour cacher ces accusations, suggérant que le secret entourant ces affaires s'étendait au-delà des cercles ecclésiaux.

En effet, des lettres d'époque, comme celles de Jean-Marie Villot, alors secrétaire général de l'Assemblée des cardinaux et archevêques de France, expriment des préoccupations au sujet des comportements déviants de l'abbé. Après son internement en clinique psychiatrique en Suisse, il s'avère que les responsables d'Emmaüs ont dû s'interroger sur le retour de leur fondateur.

Mais combien de temps l'Eglise et Emmaüs ont-ils su et qu'ont-ils véritablement caché? Les archives de l'Eglise ne fournissent pas de réponse claire. Parallèlement, les archives d'Emmaüs, stockées aux Archives nationales du monde du travail à Roubaix, représentent près de 330 mètres linéaires d'informations, et contiennent des documents personnels de l'abbé Pierre ainsi que des dossiers de l'organisation Emmaüs, qui reste encore largement inexplorée.

Axelle Brodiez-Dolino, historienne et auteur de "Emmaüs et l'abbé Pierre", met en garde sur le fait qu'un "très gros ménage" a pu avoir lieu dans les années 1950, laissant d'énormes lacunes dans les archives. Elle souligne que les efforts pour expurger les documents pourraient avoir eu un impact sur la vérité historique, ce que l'actuel délégué général d'Emmaüs International, Adrien Chaboche, ne peut ni confirmer ni infirmer.

L'ombre du doute plane sur la figure de l'abbé Pierre. Alors que le mouvement Emmaüs a changé des vies et s'est battu pour la dignité humaine, les dévoilements sur son fondateur pourraient ternir l'héritage de cette institution. Les voix se multiplient pour demander la vérité, et si le besoin de réparation et de transparence n'est pas reconnu, l'honneur d'Emmaüs pourrait en sortir durablement entaché.