Violences sexistes et sexuelles : des fans témoignent des changements après les accusations contre leurs idoles
2024-11-10
Auteur: Sophie
MUSIQUE - « Je ne savais plus à qui faire confiance… Ça remet en question ma foi en l’humanité », confie Léonore*, une fidèle admiratrice de Nekfeu, qui a récemment été accusé de violences sexuelles et psychologiques par son ex-partenaire. Bien que le rappeur ait nié les accusations, la révélation a profondément choqué Léonore, trentenaire, qui a longtemps idéalisé sa musique.
Elle partage un sentiment de trahison, un ressenti que beaucoup de fans découvrent depuis le mouvement #MeToo. De plus en plus de personnes choisissent de faire le tri dans leurs playlists, abandonnant des artistes accusés ou condamnés pour des violations. Pour certains, cela représente une douleur intense, parfois équivalente à une séparation, alors qu'ils doivent déconstruire des années d'admiration. Trois fans partagent leur expérience avec Le HuffPost.
Entre déni et malaise
« J’ai passé des heures à écouter Lomepal, se souvient Lison*. Ses textes résonnaient avec mon âme d'adolescente. C'était un mélange de poésie et de rap que mes amies et moi adorions. » En grandissant, Lison ne pouvait imaginer qu'un jour elle serait confrontée à des accusations à l'encontre de cet artiste qu'elle idolâtrait. À ses 17 ans, elle a assisté à plusieurs concerts, tombant encore plus sous le charme.
« Lorsque j'ai entendu parler des accusations, j'ai d'abord douté, je ne voulais pas y croire », avoue-t-elle. Lison a pendant un an vécu dans un état de déni, entre la colère et la tristesse, tout en gardant un lien profond avec sa musique.
Refus face à la réalité
Ce mécanisme de déni est courant, explique Bérénice Hamidi, spécialiste en études théâtrales. « Ce phénomène ne se limite pas à la musique, mais touche aussi le cinéma et le théâtre. Les violences sont le plus souvent commises par des personnes que les victimes connaissent ou aiment », précise-t-elle. Cette proximité affective peut mener à un refus de voir la vérité.
« J’ai supprimé mes publications Instagram des concerts », raconte Lison. Après les révélations de Mediapart concernant Lomepal, elle a dû faire face à un bouleversement intérieur. « J'aimais tant sa musique, mais au moment de l'écoute, c'était devenu insupportable, » avoue-t-elle, déchirée entre son amour pour l'artiste et les conséquences de ses actes.
Dans le cas de Kevin, un ancien fan de Kasabian, il a également vécu une rupture. En 2020, lorsque le chanteur Tom Meighan a été exclu pour des violences avouées, Kevin a eu du mal à écouter leurs chansons. « C’était une trahison. J’admirais leur musique, mais après cela, tout a changé pour moi », a-t-il raconté, admettant que le respect qu’il a pour la décision du groupe a été assombris par l'absence du chanteur.
Pour Léonore, le choc a été encore plus brutal. Sa foi en Nekfeu s’est écroulée lorsque les allégations sont devenues publiques. « Ses paroles, ses engagements, tout cela m’a fait croire qu’il était ‘sain’ », dit-elle en se remémorant le désarroi qui l’a saisie. En tant que féministe, son combat pour la justice est désormais en conflit avec ses émotions.
« Je réalise qu'à l'avenir, je devrai être prudente face aux ‘belles paroles’ des artistes », conclut-elle avec tristesse. La prise de conscience est douloureuse, mais elle sait qu’elle doit faire face à cette réalité, non seulement en tant que fan mais aussi en tant qu'individu engagé pour le respect et l'égalité.