Science

« Une montée alarmante des mouvements anti-science »

2024-12-20

Auteur: Marie

Dans son livre intitulé "Sortir des labos pour défendre le vivant" (publication prévue en novembre 2024 aux Éditions du Seuil), un collectif de scientifiques sous l'appellation "Scientifiques en rébellion" exhorte ses pairs à s'investir davantage dans la lutte contre la catastrophe écologique et sociale qui se profile à l'horizon.

Élodie Vercken, écologue et directrice de recherche au sein de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), partage dans une interview accordée à Reporterre son point de vue sur la montée des attaques contre la science. Elle s'interroge également sur les relations complexes entre science, neutralité, technologie et savoirs traditionnels.

Les manifestations des agriculteurs en novembre dernier ont été marquées par des actes d'intimidation et de violence qui ont visé l'Office français de la biodiversité et l'Inrae. À une époque où le climatoscepticisme prend de l'ampleur, exacerbée par des événements politiques comme l'élection de Donald Trump, Élodie Vercken analyse ces attaques répétées contre la science.

"Nous assistons clairement à une montée en puissance des mouvements anti-science", déclare-t-elle. Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau, il prend une nouvelle ampleur en raison de la remise en question des grands modèles politiques et économiques, notamment ceux basés sur la croissance et l'extractivisme. Dans ce climat d'agression, les scientifiques sont maintenant souvent perçus comme des ennemis par ceux qui défendent le statu quo. Les critiques de la science sont réprimées de manière de plus en plus violente par des puissances en place qui se sentent menacées.

Élodie écrit dans son livre que la prétendue neutralité de la science est un mythe dangereux. Elle argue : "Revendiquer une neutralité scientifique revient souvent à défendre le statu quo. La seule prétention de la science devrait être l’objectivité de ses méthodes." Mais, comme elle le souligne, il n'y a pas de véritable neutralité, car le choix des questions de recherche est souvent influencé par les intérêts personnels des chercheurs. Cette subjectivité complexifie encore davantage le paysage scientifique, notamment au vu du financement de la recherche qui est de plus en plus dépendant de sources politiques et privées.

Elle met également en lumière la confusion entre science et technologie, particulièrement auprès des pro-technosolutionnistes qui se proclament défenseurs de la science. Cette tendance est alimentée par des individus qui, bien qu'ayant des compétences techniques, ne participent pas à des recherches authentiques.

L'ouvrage aborde aussi la responsabilité de la science dans la dégradation de l'environnement. "Nombre de recherches ont non seulement facilité la détérioration de notre écosystème, mais continuent à le faire", note-t-elle, tout en soulignant la nécessité d'une approche critique bénéfique à l'amélioration de cette situation.

Face à la montée des désinformations et des complots, Élodie appelle à l'intégration et à la valorisation des savoirs traditionnels dans les méthodes scientifiques. Par exemple, certaines pratiques ancestrales concernant le biocontrôle des plantes peuvent encore s'avérer efficaces, mais doivent être testées rigoureusement.

Elle ajoute : "Les scientifiques doivent être ouverts aux savoirs pratiques, tout en adoptant une démarche rigoureuse d'évaluation de leur efficacité." Cela signifie écouter et apprendre des savoirs traditionnels, tout en faisant preuve d'une bonne foi dans leur évaluation.

Concernant la réaction de la communauté scientifique face aux attaques croissantes contre elle, Élodie note que de nombreuses personnes commencent à remettre en question leur rôle et leur engagement. Elle conclut en soulignant que la lutte contre le fascisme, qui s'oppose à la science, est une préoccupation grandissante : "Le fascisme n’aime pas la science".

Quel avenir pour la science, alors ? Élodie propose que les institutions scientifiques deviennent des contre-pouvoirs critiques et appelées à porter des discours qui remettent en question les doctrines dominantes. Reprendre le contrôle des financements est impératif pour garantir une science indépendante et au service de l'intérêt général.

En somme, face à cette montée des mouvements anti-science et aux enjeux écologiques pressants, il est crucial que la communauté scientifique s'engage pleinement dans le débat public et encourage une démarche ouverte aux savoirs divers, tout en prenant en compte l’urgence climatique.