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"Une autoroute de tri, mais à 30 km/h : Pourquoi le tri des biodéchets peine à décoller en France"

2025-01-09

Auteur: Léa

Des épluchures de légumes, des restes de poisson ou de viande, des coquilles d'œufs... Depuis un an, les Français sont censés disposer d'un moyen pour trier leurs biodéchets, c'est-à-dire leurs déchets alimentaires. La loi antigaspillage, adoptée en 2022, impose effectivement aux communes de mettre en place une solution de tri pour leurs habitants. Cependant, un an après l'entrée en vigueur de cette loi, le tri des biodéchets reste encore très marginalisé.

Pour constater cette situation, une visite au centre de valorisation des biodéchets Moulinot, situé à Stains en Seine-Saint-Denis, s'avère révélatrice. Sébastien Roussel, le directeur, résume la situation en ces termes : "Je pense qu'on a pris l'autoroute par le bon côté, mais on y va à 30 km/h." Actuellement, ce centre a traité seulement 30 000 tonnes de déchets alimentaires sur le potentiel de 60 000 tonnes. "Certaines collectivités montrent l'exemple avec des initiatives ambitieuses, mais il y en a d'autres qui restent timides", ajoute-t-il.

Ce phénomène rappelle les débuts de la collecte des plastiques et cartons, qui ont mis plusieurs années à s'installer comme une pratique courante. "Il a fallu entre 10 et 15 ans pour qu'une majorité des Français adoptent le tri des emballages depuis sa généralisation dans les années 2000", explique le directeur régional.

Malgré la loi, les biodéchets représentent encore un tiers des ordures ménagères. Environ 40% des Français ont uniquement accès à des dispositifs de collecte, une statistique plutôt alarmante.

Certaines communes, comme Sotteville-lès-Rouen en Normandie, se démarquent par leur efficacité. La collecte a été lancée il y a un an, et les habitants ont adopté de nouvelles habitudes. Marie-Claude, une résidente, a expliqué : "On a eu la petite poubelle à la mairie, et j'y mets mes épluchures sans souci de nuisances." Toutefois, tout le monde ne respecte pas les consignes, ce qui entraîne un taux de mauvaise valorisation non négligeable.

Quant à Sotteville-lès-Rouen, le maire Alexis Ragache prévoit d'augmenter le nombre de bacs de collecte, passant de 25 à 70 pour 3 000 foyers. Néanmoins, les autres communes de l'agglomération vont devoir attendre trois ans pour un déploiement similaire de 1 000 poubelles.

Un obstacle majeur pour la généralisation du tri des biodéchets réside dans le manque d'accompagnement financier de l'État. Le coût de la collecte s'élève entre 10 et 20 euros par habitant, une somme qui pèse lourd dans le budget des communes. Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, souligne l'absence de soutien financier alors même que l'État impose des efforts en matière de tri.

Alors que la France émet plus de cinq millions de tonnes de déchets alimentaires qui pourraient être valorisés, la sensibilisation et l'éducation du public à la collecte sélective restent plus que jamais cruciales pour changer les comportements. Si des progrès ont été réalisés, il reste encore un long chemin à parcourir pour que le tri des biodéchets devienne une habitude ancrée dans toutes les communes française.