Affaires

Terres rares : une nouvelle usine franco-japonaise pour contrer le monopole chinois

2025-03-17

Auteur: Philippe

Dans un tournant majeur vers l'indépendance technologique et économique, la startup lyonnaise Carester a lancé les travaux de construction d'une usine de recyclage de terres rares à Lacq, dans le sud-ouest de la France. Ce projet ambitieux, soutenu financièrement par des investissements japonais et français, vise à briser le monopole chinois qui domine actuellement 98% du marché européen des métaux stratégiques.

L'objectif principal : assurer la souveraineté européenne en matière de ressources essentielles pour l'industrie. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a souligné l'importance de ce projet dès ses débuts, alors qu'elle était ministre de l'Industrie. Elle a déclaré : "Nous devons doter l’Europe d’une technologie qui lui permettra de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine."

Les terres rares sont cruciales pour la transition énergétique, utilisées dans des secteurs tels que l'automobile, l’éolien, l’électronique, les véhicules électriques, et même la robotique. Selon le calendrier, l'usine Caremag devrait débuter sa production d'ici fin 2026 ou début 2027, créant environ 92 emplois et étant en mesure de traiter 2 000 tonnes d'aimants permanents par an, aboutissant à la production d'environ 800 tonnes de terres rares légères comme le néodyme et le praséodyme. De plus, il est prévu que l’usine raffine 5 000 tonnes de concentrés miniers, produisant environ 600 tonnes de terres rares lourdes (oxydes de dysprosium et terbium), représentant près de 15% de la production mondiale actuelle.

Ce projet a reçu un financement total de 216 millions d'euros, comprenant 110 millions d'euros de partenaires japonais tels que Jogmec et Iwatani, ainsi que 106 millions d'euros de l'État français sous forme de subventions et de crédits d'impôt liés à l'industrie verte.

Carester aspire à devenir le premier recycleur européen de terres rares et le plus grand producteur occidental de terres rares lourdes. Le président de Carester, Frédéric Carencotte, a déclaré : "Cette construction représente une avancée majeure vers l’indépendance de l’Europe en terres rares pour les aimants permanents."

Pour éviter les risques liés au dumping des prix par les industriels chinois, Carester a établi des partenariats stratégiques à long terme avec des acteurs comme le groupe automobile Stellantis, qui a d'ores et déjà signé un contrat pour l'achat d'une partie de la production. En outre, 50% de la production sera vendue à un trader japonais, qui se chargera de la distribution des oxydes de terres rares lourdes produits par l'usine.

En ce qui concerne les normes environnementales, Carester s'engage à minimiser son impact. "Mon usine ne rejettera pas d’effluents liquides", a assuré Carencotte. Les coproduits tels que le nitrate d’ammonium seront valorisés comme fertilisants, et l'usine prévoit de recycler jusqu'à 80% de ses émissions de CO2.

Le ministre de l'Industrie, Marc Ferracci, a également souligné qu'au-delà de l'extraction, l'objectif demeure celui de la transformation et du recyclage des métaux rares. Plusieurs autres projets de recyclage d'aimants permanents sont en cours en France, notamment par des entreprises comme MagREEsource, qui a inauguré une usine test en Isère, et le groupe belge Solvay à La Rochelle. Le projet Magnolia du groupe minier Orano, lancé en 2022, vise également à établir une industrie de fabrication d'aimants permanents de haute performance.

Ce développement pourrait bien marquer le début d'une nouvelle ère pour l'industrie des terres rares en Europe, permettant à la France et à ses partenaires de réduire leur dépendance vis-à-vis des fournisseurs chinois et de renforcer leur capacité à innover et à se positionner sur le marché mondial des technologies vertes.