Santé

«Soulagés mais abandonnés» : La vie difficile des jeunes adultes après un cancer pédiatrique

2025-04-08

Auteur: Emma

Imaginez que vous êtes déclaré guéri d'un cancer, fêté comme un héros, un survivant. Pourtant, pour ceux dont la lutte a commencé dans l'enfance, l’après-cancer peut être un lourd fardeau. Chaque année, en France, près de 2 260 enfants âgés de 0 à 17 ans reçoivent un diagnostic de cancer, selon l'Institut national du cancer. Même si le taux de survie est de 85 % après cinq ans, les conséquences psychologiques sont souvent sous-estimées.

« Quand je suis sortie de mes traitements, j’avais une vision très fixe : ne jamais fléchir », se remémore Laura, 35 ans. Elle a survécu à la fois à une leucémie et à un ostéosarcome, mais ressent encore aujourd'hui un sentiment de culpabilité et d'abandon. « Beaucoup de patients se sentent forcés de prétendre que tout va bien après les traitements, parce qu'ils estiment avoir déjà imposé leur maladie à leur entourage », explique Amandine Bertrand, médecin spécialiste à Lyon. Ce qui est alarmant, c'est que le passage à l'âge adulte, en théorie synonyme de liberté, est souvent marqué par l'angoisse et la difficulté à établir des relations saines.

Le retour à la vie normale après le cancer peut être un mythe. Léo, 24 ans, se souvient de son diagnostic à l'âge de 6 ans. À présent, il revit des traumatismes enfouis. « Mon entourage pensait que tout était réglé parce que j'étais guéri, mais personne ne parlait de ce que j'avais vécu », explique-t-il. Les mots « survivant » ou « héros » lui pèsent comme un fardeau. Ces étiquettes lui donnent l’impression de minimiser son expérience et de ressentir un décalage dans ses relations sociales.

Non seulement la société peut être insensible aux défis psychologiques associés à la survie d'un cancer pédiatrique, mais elle attend souvent des jeunes adultes qu'ils soient « reconnaissants » de leur rétablissement, exacerbant ainsi leur sentiment de légitimité. Pour Laura, le soulagement physique de la maladie ne s'est pas traduit par une liberté émotionnelle. Après avoir perdu une partie de sa mâchoire et une partie de son péroné lors de traitements, elle a lutté pour se sentir à sa place dans le monde du travail. La fatigue chronique due à la chimio lui a également fait sentir qu'elle devait faire face aux attentes de ses collègues de manière inégale.

Heureusement, en partageant leurs histoires avec d'autres anciens patients à travers des réseaux comme Les Aguerris, des milliers de survivants de cancers pédiatriques s'entraident et commencent à se réapproprier leur narration. Laura a même lancé un podcast dans lequel elle interroge ses parents sur son parcours, un pas énorme vers la guérison émotionnelle. Léo, en se rapprochant de cette communauté, a commencé à discuter ouvertement de ses luttes. Les deux jeunes adultes continuent de faire face aux répercussions de leurs traitements, mais ils en sortent renforcés, en bouleversant la stigmatisation autour des survivants de cancer.

Les compétences et les récits de survivants sont une source inestimable d'espoir pour les nouvelles générations d'enfants atteints de cancer. En partageant leur histoire, Laura et Léo non seulement se battent contre leur propre invisible bataille, mais aident aussi à changer le récit sur la vie après un cancer pédiatrique. Ainsi, la route vers la guérison, bien qu'accablante, peut devenir une voie d'espoir et de renaissance.