Sommet de Paris-Saclay - Pr Patrick Cramer : « Trop souvent, nos bonnes idées sont développées à l’étranger »
2025-01-21
Auteur: Sophie
À la tête de la Société Max-Planck (MPG), l'équivalent allemand du CNRS, le biochimiste Patrick Cramer, 55 ans, est une figure emblématique de la recherche européenne. Formé dans des établissements prestigieux tels que Stuttgart, Heidelberg, Grenoble, Bristol, Cambridge et Stanford, cet amateur de vélo, passionné de musique classique et de rock, a participé crucialement à des travaux ayant valu le prix Nobel de chimie à Roger Kornberg. Il se concentre sur des recherches vitales sur l'ARN et le mécanisme de transcription, qui sont essentiels au développement et à la régénération des organismes. En 2021, il a été honoré avec le prix Louis-Jeantet.
Au cours d'un entretien, Pr Patrick Cramer évoque les moments marquants de sa carrière, notamment une expérience inoubliable à Stanford où il a résolu une question essentielle sur la traduction de l'information ADN en gènes, influençant ainsi la compréhension des caractéristiques biologiques et physiques. Cette découverte personnelle lui a fourni une clarté qui a marqué un tournant dans sa vie professionnelle.
Concernant la pandémie de Covid-19, il a partagé son expérience où son laboratoire s'est immédiatement mis à étudier la réplication du coronavirus avec des outils déjà développés pour leurs recherches antérieures. Malgré les défis personnels dus à l'intensité des attaques sur les réseaux sociaux, il note que la perception du public envers la science a paradoxalement changé, témoin d'une profonde polarisation des opinions.
La Société Max-Planck, qui emploie 24 600 personnes, inclut 6 600 chercheurs salariés et 3 400 doctorants dans 84 instituts, a revendiqué 39 Prix Nobel depuis le XXe siècle. Le Pr Cramer souligne l'importance de la coopération européenne, en particulier avec le CNRS, comme un élément essentiel pour faire face aux défis mondiaux.
A propos de la coopération scientifique avec la Chine, il explique que même s'il y a des préoccupations concernant l'espionnage industriel, il reste crucial de collaborer avec des chercheurs chinois qui apportent des idées innovantes. En revanche, les partenariats qui pourraient entraîner des implications militaires ou de surveillance sont soigneusement examinés et bloqués si nécessaire.
La domination de l'anglais dans les publications scientifiques souligne la nécessité de rester compétitif, et le Pr Cramer n'est pas certain que cela changera à l'avenir, particulièrement pour des langues comme l'allemand ou le français. Par ailleurs, il demeure préoccupé par les conséquences potentielles des changements politiques aux États-Unis sur la recherche scientifique.
Enfin, il met en avant que la priorité pour l'Europe doit être un meilleur financement de la recherche. Les États-Unis investissent 3,5% de leur PIB dans ce domaine, tandis que l'Europe tourne autour de 2,1%. Cramer insiste sur la nécessité de créer un écosystème propice pour que les idées européennes puissent se développer sur le continent, évitant ainsi la fuite des cerveaux vers d'autres régions du monde.