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RÉVOLUTION EN AGRICULTURE : Les chercheurs de l'Inrae dévoilent des techniques innovantes pour dire adieu aux néonicotinoïdes

2025-01-26

Auteur: Léa

Un tournant décisif pour l'agriculture française se profile à l'horizon. À partir du 27 janvier, le Sénat examine une proposition de loi controversée visant à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur", qui inclut la réautorisation de certains néonicotinoïdes, ces insecticides redoutés par les apiculteurs et les défenseurs de l'environnement.

Interdits en France depuis 2018 en raison de leur impact dévastateur sur les abeilles, ces insecticides étaient notamment largement utilisés dans la culture de la betterave sucrière dans le nord de la France. C'est ici que l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) a développé des techniques novatrices pour éliminer le besoin de ces produits chimiques dans les champs. Des expérimentations sont en cours sur un site dans la Somme, où des pratiques agricoles durables sont mises à l'épreuve.

Le champ à Estrée-Mons, près d'Amiens, présente un aspect classique, mais il cache un secret : depuis 2012, aucune trace de produits chimiques n’y a été observée, comme le confirme Sébastien Darras, technicien de recherche à l'Inrae. "Nous avons prouvé qu'il est possible de produire efficacement sans pesticides chimiques," assure-t-il. Le chercheur se concentre sur l'élaboration de systèmes agricoles viables, mêlant rendement, rentabilité économique et résistance aux bioagresseurs, grâce à l'utilisation de méthodes basées sur la biodiversité.

Créer des refuges pour attirer des "insectes utiles"

Ces bioagresseurs, tels que les champignons, les mauvaises herbes et les insectes nuisibles, posent un défi aux agriculteurs. Afin de contrer ces menaces, Darras propose de créer des corridors écologiques pour abriter des "insectes utiles". "Nous avons laissé des bandes enherbées et fleuries autour de nos parcelles," explique-t-il. Ces espaces favorisent la biodiversité et, en particulier, attirent des insectes auxiliaires qui s'attaquent aux ravageurs comme les pucerons, responsables de la transmission de maladies aux betteraves.

L'Inrae a découvert que la prévention est la clé. Christian Huyghe, ancien directeur scientifique à l’Institut, précise qu'en éliminant les repousses de betteraves avant l'arrivée des pucerons, le risque de transmission du virus de la jaunisse, qui impacte fortement les cultures, est considérablement réduit. "En 2023 et 2024, nous avons constaté les effets positifs de cette méthode," souligne-t-il.

Résistance des néonicotinoïdes et lobbying industriel

Cependant, le débat reste vif. Les néonicotinoïdes sont souvent jugés nécessaires face à l'augmentation des pertes de récoltes due aux ravageurs. Huyghe rappelle que "ces insecticides présentent un fort potentiel de danger pour notre écosystème, avec des périodes de demi-vie prolongées qui nuisent à la faune et la flore." La réintroduction de ces produits pourrait générer un recul regrettable dans les efforts de durabilité.

Les sénateurs derrière cette proposition soutiennent que d'autres pays européens, comme l'Allemagne, continuent d'utiliser ces produits avec succès, soulevant des questions sur l’équilibre entre productivité agricole et protection de l'environnement. La pression culturelle et économique est forte, mais les actions préconisées par l'Inrae pourraient bien représenter l'avenir de l'agriculture, où biotechnologies et pratiques respectueuses de l'environnement pourraient coexister.

Face à la crise climatique et à la dégradation de la biodiversité, la lutte continue pour un avenir agricole sans néonicotinoïdes est essentielle et la communauté scientifique reste vigilante. Les choix politiques doivent impérativement s’aligner avec les réalités scientifiques pour garantir un avenir durable.