
REPORTAGE : "Le moindre Camembert a sa traçabilité, alors pourquoi pas nous ?" – À Paris, les personnes nées sous X demandent une réforme de la législation pour retrouver leurs origines
2025-04-05
Auteur: Philippe
En France, près de 400 000 personnes, issues d'accouchements sous X, vivent l'angoisse de l'anonymat de leurs parents biologiques. Ces individus, devenus adultes, entament souvent un périple semé d'embûches pour tenter de retrouver leurs géniteurs, la législation actuelle protégeant strictement l'anonymat des mères. Le collectif "Nés sous X d’ici et d’ailleurs" a organisé une manifestation à Paris pour faire entendre leurs voix et revendiquer des changements.
Parmi les manifestants, Anne-Laure, 54 ans, se décrit comme une "sous-citoyenne". Elle déplore de ne pas avoir accès aux mêmes droits que les autres, en particulier concernant les données de santé de ses parents biologiques, ce qui complique sa prise en charge médicale. "Lorsqu'on me demande mes antécédents médicaux, je peux seulement répondre que je ne sais rien. Par exemple, je suis dans le flou total concernant le risque de cancer du sein, car je n'ai aucun élément d'informations sur ma famille", raconte-t-elle.
Son inquiétude accroît lorsqu'elle pense à l'avenir de ses enfants : "Je m'interroge sans cesse sur ce que je pourrais leur transmettre. Cette incertitude est pesante."
Le collectif réclame que les informations de santé des parents biologiques soient accessibles aux familles adoptives. Comme le souligne Anne-Laure : "Le moindre camembert a une traçabilité, pourquoi ne pas appliquer la même équité pour nous ?" Elle a personnellement découvert ses origines grâce à des tests ADN effectués à l'étranger, après des années de recherche.
Bernadette, 80 ans, fait également partie de ce mouvement. Elle a passé cinq décennies à retrouver ses parents biologiques, et a finalement localisé sa mère et son demi-frère, ainsi qu'un père allemand d'origine polonaise, mais décédé. "Sans les tests ADN, je n'aurais jamais pu retrouver des informations sur ma famille. C'était un soulagement de connaître enfin mon histoire", dit-elle, ajoutant sa déception d'avoir dû contacter une entreprise étrangère pour ces tests, alors que la France et la Pologne les interdisent encore.
Erik Pilardeau, co-fondateur du collectif, souligne l'impact psychologique négatif que peut avoir le non-accès aux origines sur les personnes nées sous X. "Nous devons aider ceux qui vivent avec ce poids, souvent jusqu'à la fin de leur vie, car ils désirent comprendre d'où ils viennent", dit-il.
Le collectif espère également un jour voir la France adopter une législation similaire à celle de nombreux autres pays européens, où les enfants ayant atteint l'âge adulte ont le droit d'accéder à l'identité de leurs parents. En France, ce droit dépend toujours de la volonté de la mère biologique, laissant un vide législatif important et des milliers de personnes dans l'incertitude quant à leurs origines.