"Quel est le lieu de naissance de vos parents ?" : pourquoi cette question bouleverse le recensement en France
2025-01-16
Auteur: Michel
Du 16 janvier au 8 mars, 9 millions de Français sélectionnés au hasard seront sollicités pour participer à l'incontournable recensement annuel orchestré par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en collaboration avec les communes. L'objectif ? Cerner la répartition de la population française et comprendre ses caractéristiques pour contribuer à l'élaboration de politiques publiques adaptées à chaque territoire.
Cette année, le questionnaire se voit enrichi de trois nouvelles questions, dont l'une soulève des controverses : le lieu de naissance des parents. En plus des classiques sur l'âge, la profession et le logement, le recensement inclura désormais des interrogations sur la fréquence du télétravail, l'existence d'un handicap et bien sûr, l'origine géographique des parents. Toutefois, cette dernière proposition divise fortement les opinions, notamment parmi les défenseurs des droits.
L'Insee et la Défenseure des droits, Claire Hédon, appuient cette initiative en affirmant que cette question est cruciale pour "mettre en lumière les diverses formes de ségrégation et d'inégalités" découlant de l'origine des parents. Selon Muriel Barlet, cheffe du département démographie à l'Insee, ceci pourrait s'avérer utile non seulement pour les décideurs publics, mais également pour les chercheurs et enseignants.
« Cela qualité le débat public, le rendant plus éclairé et moins basé sur des stéréotypes », ajoute l'équipe de la Défenseure des droits.
Cependant, de nombreux acteurs, incluant la Ligue des droits de l'homme (LDH), le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) et plusieurs syndicats (CGT, FSU et Solidaires), expriment de vives inquiétudes face à cette nouvelle question qu'ils jugent "dangereuse" et "inutile". Dans une pétition, ils exhortent à ne pas répondre à cette question lors du recensement. « Le recensement est un bien public et doit se concentrer sur des données réellement pertinentes pour les politiques publiques », plaide Jan Robert Suesser, membre du bureau national de la LDH.
En France, l’utilisation de statistiques fondées sur l'origine ethnique est déjà très limitée, autorisée principalement à des fins de recherche scientifique. Des travaux antérieurs, comme l'enquête Sur les Trajectoires et les Origines, collectent déjà des informations sur des aspects tels que la couleur de la peau ou l'origine des parents, mais le recensement ne devrait pas être le supplément pour établir ces différences de traitement.
Suesser souligne que cette méthode pourrait même aboutir à une "stigmatisation" des individus d'origine étrangère, une finalité que les défenseurs des droits craignent qu'elle alimente des discours de rejet et de discrimination. En effet, le climat politique étant déjà tendu, l'utilisation de ces données pourrait également servir à des fins électorales, renforçant les divisions sociales.
L'Insee, confrontée à ces craintes, assure que chaque donnée collectée lors du recensement sera strictement confidentielle et ne sera aucunement divulguée à d'autres administrations. De plus, aucune information à propos de l'origine des parents ne sera publiée pour des zones de moins de 5 000 habitants, dans un souci d'anonymat.
En somme, cette nouvelle question pourrait transformer la manière dont la France aborde les inégalités, mais elle pourrait également engendrer des retombées indésirables. La société française est donc face à un dilemme : comment recueillir des données utiles sans renforcer les stéréotypes et les discriminations ? Le débat est lancé, et les enjeux sont colossal.