Divertissement

Prix Goncourt : Kamel Daoud dévoile son intense émotion et rend hommage à ses racines

2024-11-05

Auteur: Louis

Kamel Daoud, lauréat du Prix Goncourt pour son roman "Houris", a exprimé sur France Inter une émotion palpable en confiant : "J'attends depuis des années". Son ouvrage, qui aborde les terrifiants massacres de la "décennie noire" en Algérie entre 1992 et 2002, est actuellement interdit dans son pays natal. À l’annonce du prix, l’écrivain a déclaré : "J'avais le cœur battant. Cela donne du sens à beaucoup de choses. On ne peut pas ne pas plonger dans sa mémoire. La joie, quand elle est trop intense, verse dans le cliché."

Kamel Daoud a tenu à rendre un hommage touchant à ses parents, particulièrement à sa mère, qui n’a jamais eu la chance d’apprendre à lire et à écrire. "Elle a toujours rêvé de succès pour moi, d'une certaine visibilité et grandeur", a-t-il partagé. Après avoir reçu le prix, il a écrit sur son compte X : "C’est votre rêve, payé par vos années de vie. À mon père décédé. À ma mère encore vivante, mais qui ne se souvient plus de rien. Aucun mot n'existe pour dire le vrai merci."

L’écrivain évoque également les sacrifices de sa famille durant une Algérie socialiste et en difficulté économique, se remémorant comment son père simulait de ne pas finir son assiette pour qu'il puisse manger. "Ils ont sacrifié beaucoup de choses, déclare-t-il. Une des premières langues que l'on déchiffre dans sa vie ce sont les silences de ses propres parents. La première langue c'est un paradoxe. Ce n'est pas bavarder, c'est se taire."

Dans "Houris", Kamel Daoud choisit de narrer l'histoire d’Aube, une jeune femme devenue muette après avoir été attaquée par un islamiste en 1999. Le récit se déroule à Oran, où l’auteur a été journaliste pendant la "décennie noire", avant de s’orienter vers le désert algérien à la recherche de ses racines. Selon Daoud, l'écriture permet de passer de la langue intérieure – empreinte d'émotions – à une langue extérieure, permettant de communiquer des expériences universelles.

Il partage également une réflexion sur le français, qu’il a vécu comme une langue intime au sein d'une famille ne la parlant pas : "C'était comme une île de milliardaire pour moi. J'y découvrais des rencontres extraordinaires, des images féériques."

Sur un ton critique, Kamel Daoud souligne que "dans le monde arabe, personne ne parle véritablement arabe. C'est une illusion occidentale; nous avons nos propres langues". Il aborde aussi l'oppression des femmes, faisant écho à la situation en Iran : "Ce sont les femmes qui payent nos libertés. Comment pouvons-nous prétendre à des vies saines lorsque le rapport à la femme est pathologique ?"

En outre, il déplore l'interdiction de son livre en Algérie, une mesure qui rend illégale la vente d'ouvrages relatant la guerre civile. Malgré cela, son livre circule clandestinement, soulignant par ironie que l'interdiction peut en réalité favoriser sa diffusion. Daoud avertit que ces restrictions ne concernent pas uniquement son œuvre, mais soulèvent une question plus large : quels livres parviendront réellement sous les yeux des lecteurs algériens ? L'urgence de cette situation est telle qu'il s'inquiète de l'avenir des libertés d'expression pour les femmes et de la place de la littérature dans la société algérienne.