Science

Pourquoi les intellectuels échappent-ils toujours aux conséquences de leurs erreurs ?

2025-04-09

Auteur: Philippe

Le titre semble provocateur, mais Samuel Fitoussi ne se contente pas de jouer les trouble-fêtes. Dans son dernier ouvrage, *Pourquoi les intellectuels se trompent* (L'Observatoire), il introduit des études scientifiques et fait appel à des penseurs de renom pour s'attaquer à un mystère des plus intriguants : comment des esprits brillants tels que Sartre ou Foucault ont-ils pu rester sourds aux atrocités commises par l'URSS, Pol Pot ou Mao ?

Avec un ton amusé qui charme régulièrement les lecteurs du Figaro, l'essayiste aborde cette question avec sérieux. Plutôt que de sombrer dans un anti-élitisme de bas étage, il s'interroge : pourquoi, lorsqu’ils se trompent, le font-ils avec une telle maîtrise ? Pour résoudre cette énigme, il explore des outils souvent négligés en France : psychologie évolutionniste, biais cognitifs, et les éclairages de Dan Sperber et Steven Pinker. Une invitation à examiner nos propres schémas de pensée.

Qui sont ces intellectuels ?

Samuel Fitoussi définit les intellectuels à travers les propos d'Étienne Barilier, qui dit qu'un intellectuel c'est ce qu'on retient de Sartre et d'Aron une fois oubliées leurs différences. En suivant la définition du penseur américain Thomas Sowell, un intellectuel est celui dont le travail est uniquementnement centré sur le monde des idées. Contrairement à un entrepreneur dont l'échec peut entraîner une faillite, ou à un boulanger qui perd sa clientèle si son pain est mauvais, les intellectuels peuvent se tromper sans conséquences directes. C’est ces erreurs peu coûteuses pour eux qui rendent possible l'irrationalité.

La critique des intellectuels de gauche

Fitoussi cible principalement les intellectuels de gauche, pour deux raisons. D'abord, durant la période couverte de 1945 à aujourd'hui, la majorité des intellectuels français étaient de gauche. De plus, leurs faux pas sont plus nombreux que ceux de la droite. La fascination pour l'URSS, par exemple, était prédominante dans les années 1970, où être de gauche et anticommuniste était quasiment impensable. De même, la glorification de Mao a conduit à des déclarations d'écrivains qui appelaient la France à imiter ses politiques, tandis que d'autres, comme Simon Leys, étaient vilipendés pour avoir signalé les atrocités en Chine.

Une fascination pour la tyrannie?

Le terme « tyranophilie », emprunté à l’historien Mark Lilla, décrit cette étrange attirance des intellectuels pour des régimes totalitaires. Fitoussi propose plusieurs hypothèses, l'une étant que ces intellectuels éprouvent souvent un désamour pour les démocraties libérales qui les soutiennent. Orwell parlait déjà d’« anglophobie » dans l’intelligentsia britannique. Pour beaucoup d’intellectuels, aimer le communisme serait moins un amour pour celui-ci lui-même qu’un rejet des réalités de la démocratie libérale.

Les biais cognitifs en jeu

Steven Pinker évoque une compétition morale entre les intellectuels et d'autres catégories de la population. En dénonçant les faiblesses de leur société, ils se valorisent par contraste. Le système intellectuel de gauche a parfois permis à des idées fausses de prospérer, dans un milieu où celles-ci étaient jugées justes ou vertueuses.

La société complaisante envers les erreurs

Fitoussi souligne que la société semble plus indulgente envers les erreurs des intellectuels de gauche, perçues comme des déviations de leur nature profondément bonne. À l'inverse, une erreur de la droite est souvent considérée comme une confirmation de sa nature intrinsèquement mauvaise.

Des erreurs contemporaines alarmantes

Parmi les plus grandes erreurs actuelles, certains intellectuels semblent croire qu’un simple appeau pourrait désamorcer les ennemis. Des voix à droite accablent l’OTAN, tandis qu’à gauche, on prône la soumission face aux hostilités algériennes. Fitoussi rappelle que souvent, il appartient à l’ennemi de définir la relation.

Une influence disproportionnée des intellectuels

Bien que les intellectuels n’atteignent pas le grand public, ils influencent de manière significative les leaders d’opinion et véhiculent des passions idéologiques au sein de la tranche urbaine et diplômée.

Critiques et nuances

Fitoussi ne tombe pas dans l’anti-intellectualisme ; il salue également de brillants penseurs comme Orwell ou Aron. Il plaide pour une critique des sciences humaines afin qu'elles se conforment à des standards de rigueur scientifique.