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Pollution maritime : Les images satellites pourraient-elles faire plier l'armateur d'un cargo ? Récit d'une saga juridique

2025-04-07

Auteur: Marie

Trois ans après les incidents, la cour d'appel de Rouen devait, ce lundi 7 avril 2025, rendre sa décision dans une affaire sans précédent de pollution maritime. Cette affaire, concernant le chimiquier MT Guardians, accusé d'avoir déversé illégalement des huiles végétales au large du Havre, pourrait marquer un tournant dans la législation sur la protection de l'environnement maritime.

Alors que la décision attendue devait être révélée à cette date, elle a été reportée au 25 avril 2025, laissant les parties prenantes dans l'expectative. Cette affaire a pris une tournure juridique notable avec l'espoir pour les associations de protection de l'environnement d'obtenir une condamnation basée sur des preuves fournies par des images satellites, une première dans l'Hexagone.

Des preuves venues de l'espace

Les faits remontent à janvier 2021, lorsque des images satellites ont permis de détecter une nappe suspecte de pollution en Manche, plus précisément au large du Cap de la Hève. Le 13 janvier, le système européen CleanSeaNet, géré par l'Agence européenne de sécurité maritime (EMSA), a signalé une anomalie significative dans cette zone, décelant une nappe de pollution mesurant près de 15 kilomètres de long.

Le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) a alors identifié le MT Guardians comme le seul navire dans la zone à cet instant. Ce chimiquier, battant pavillon panaméen, venait de quitter Rouen avec une cargaison de 5 000 tonnes d'huile de colza en direction de Rotterdam. Selon les premières investigations, il aurait rejeté environ 36 m³ d'eaux usées contenant des résidus d'huiles végétales à une distance inférieure aux normes réglementaires, ce qui a déclenché une enquête sérieuse.

Un vide juridique préoccupant

L'enquête menée par les autorités n'a néanmoins pas permis de collecter de preuves directes sur le terrain, une lacune due à des conditions météorologiques défavorables. Jusqu'à présent, la jurisprudence française stipule qu'une pollution ne peut être reconnue que si elle est corroborée par des éléments tangibles en plus des images satellites. C’est précisément là qu’est le coeur du débat : une condamnation pourrait-elle se fonder uniquement sur des données satellitaires ?

Cette question revêt une importance majeure. Si la cour reconnaît la validité des preuves satellitaires, cela pourrait influencer les procédures judiciaires à venir et permettre une lutte plus efficace contre la pollution maritime. Actuellement, d'autres pays européens comme l'Espagne et le Royaume-Uni acceptent déjà ce type de preuve dans des affaires similaires.

Un procès inaugural sans condamnation

En première instance, en mars 2022, le tribunal du Havre avait relaxé le capitaine et l'armateur, considérant que les preuves récoltées étaient insuffisantes, une décision contestée par les ONG Surfrider Foundation et France Nature Environnement. Ces ONG, parties civiles à l'affaire, ont interjeté appel, soulignant l'importance cruciale de la décision à venir.

Les conséquences financières d'une condamnation pourraient être astronomiques, avec des amendes pouvant atteindre plusieurs millions d'euros. Plus important encore, une condamnation pourrait établir un précédent en influençant la manière dont la justice française aborde les crimes environnementaux.

La cour d'appel de Rouen doit donc se prononcer sur cette question fondamentale : les preuves satellitaires sont-elles suffisantes pour établir la culpabilité d'un navire dans une affaire de pollution maritime ? La réponse, très attendue, sera connue ce 25 avril, et pourrait bien changer la donne dans la lutte contre la pollution des mers.