Nation

Pollution au chlordécone : l’État condamné à indemniser les victimes pour "préjudice d'anxiété"

2025-03-11

Auteur: Chloé

L'affaire du chlordécone continue de faire des vagues. La cour administrative d'appel de Paris a statué que l'État français avait commis des fautes graves en délivrant des autorisations pour la vente de ce pesticide extrêmement toxique en Guadeloupe et en Martinique entre 1972 et 1993. Le verdict, rendu le 11 mars, a été accueilli avec des sentiments mitigés.

La cour a précisé que l'État serait tenu de réparer le "préjudice moral d'anxiété" pour les personnes ayant été durablement exposées à cette pollution. Environ 1 286 plaignants, principalement de Guadeloupe et de Martinique, ont demandé réparation après avoir été exposés à ce produit chimique, qui a contaminé l’eau et les sols de ces îles. Cependant, la cour a souligné qu'à peine une dizaine de victimes avaient présenté des preuves solides de leur exposition efficace, telles que des dosages sanguins ou des analyses de sol.

Le chlordécone, un insecticide destiné aux bananeraies, a été largement employé jusqu'à son interdiction en 1990, mais des dérogations ont été accordées jusqu'en 1993. Les conséquences de son utilisation sont alarmantes : l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) met en avant des effets délétères sur le système nerveux, des troubles de la reproduction et des impacts sur les systèmes hormonal et organique.

En première instance, en juin 2022, le tribunal administratif avait déjà reconnu des "négligences fautives" de la part des services de l'État, qui auraient tardé à interdire le pesticide de manière définitive et à prendre des mesures pour éliminer les stocks restants. La cour d'appel a maintenu ce constat et a insisté sur le manque de diligence de l'État dans la recherche de traces de chlordécone et l'information du public sur les risques associés.

Des voix se font entendre concernant l'issue de cette décision. Christophe Léguevaques, l’un des avocats représentant les plaignants, a exprimé que, bien que la reconnaissance du préjudice corporel soit un avancement, la décision concernant le préjudice d'anxiété est décevante. À ses yeux, l'absence de reconnaissance complète de ce préjudice pourrait mener à des recours devant des instances internationales, comme la Cour européenne des droits de l'homme.

L'impact de cette décision dépasse largement le cadre juridique. Plus de 90% des habitants des Antilles auraient été exposés au chlordécone, selon une étude menée par l'Anses en 2013-2014. De plus, le cancer de la prostate y connaît des taux d'incidence parmi les plus préoccupants du monde, relançant les débats sur les pratiques agricoles et la gestion des pesticides aux Antilles. La saga du chlordécone, tant sur le plan judiciaire que sur celui de la santé publique, est loin d'être terminée.