Science

Plastique, poulet, béton… À la découverte des fossiles du futur

2025-03-17

Auteur: Philippe

Le concept de paléontologue du futur, à l'image des futurologues d'antan, peut sembler paradoxal. Généralement, la paléontologie s'intéresse aux fossiles du passé et non à ceux que nous pourrions découvrir dans plusieurs centaines, milliers ou millions d'années. Malgré cela, Sarah Gabbott et Jan Zalasiewicz, respectivement professeure et professeur émérite de paléobiologie à l'université de Leicester au Royaume-Uni, sont justement dédiés à cette exploration. Ils ont récemment publié un ouvrage intitulé "Discarded", qui évoque les traces que notre société laissera dans les couches géologiques futures.

Imaginez un monde d'ici quelques millions d'années, où l'humanité aurait disparu, laissant derrière elle des sédiments qui racontent notre époque. Une nouvelle espèce prétendument intelligente pourrait alors tomber sur des restes emblématiques qui témoigneraient d'un mode de vie profondément influencé par la consommation.

L'ère du poulet

Au sein de ces sédiments, les os de poulet pourraient dominer, bien plus que ceux d'autres espèces. En effet, en 2022, 76 milliards de poulets ont été élevés et abattus, un nombre qui illustre notre dépendance à cette volaille. Les futuristes pourraient interpréter cette profusion d'ossements de poulet comme le signe d'une civilisation centrée autour de l'élevage aviaire. Leur quantité pourrait faire de ces restes un indicateur majeur de l'Anthropocène, l'ère géologique marquée par les activités humaines.

Planète plastique

En parallèle, les matières plastiques, qui ne se biodégradent pas facilement, sont appelées à devenir des "technofossiles" de notre époque. En 1998, un sac en plastique a même été trouvé à une profondeur record dans la fosse des Mariannes. Des continents de déchets plastiques s'accumulent dans nos océans, représentant une surface équivalente à six fois la France. Ces plastiques, ainsi que les microplastiques et nanoplastiques, polluent tous les écosystèmes, des montagnes aux profondeurs marines, promettant de se retrouver également dans les couches de sédiments futurs.

Mode jetable : la fast fashion

La fast fashion, avec des marques innovantes comme Shein et Temu, génère également une immense quantité de déchets. L'économie linéaire qui régit cette industrie (acheter, porter, jeter) est à l'opposé du modèle circulaire qui cherche à minimiser les déchets. Des pays comme le Ghana et le Kenya sont inondés de vêtements usés, qui finiront par se fossiliser, tout comme d'autres objets issus de cette consommation éphémère.

Les produits manufacturés, du béton aux canettes, sont en passe de devenir les fossiles de demain. Actuellement, le béton représente plus de la moitié de la masse de tous les matériaux fabriqués par l'homme, et son empreinte sera sans aucun doute marquée dans les strates futures. Notons qu'en 2020, la masse des objets produits par l'homme a dépassé celle de toute la biomasse vivante sur Terre, un phénomène qui illustre l'impact démesuré de notre époque sur la planète.

Un héritage de consommation

Les études actuelles, comme celles menées par Gabbott et Zalasiewicz, révèlent non seulement les implications écologiques de nos actions, mais aussi notre héritage à long terme. Selon des recherches de l’Institut Weizmann, la masse anthropique – fondée sur nos créations – dépasse déjà celle de tous les êtres vivants. Chaque semaine, chaque habitant de la planète génère une quantité de déchets équivalente ou supérieure à son propre poids, avec le plastique en tête, pesant déjà deux fois plus que tous les animaux sur Terre.

La question qui se pose est : continuerons-nous sur cette voie ? L'avenir de notre planète, et ce que nous laisserons aux générations futures, reste à déterminer.