Une blague circule depuis longtemps au sein du ministère de l'économie et des finances. « À Bercy, on dit que les prévisions de croissance annuelle prennent 0,1 point par étage. Et il y a six étages... », raconte avec un sourire un ancien fonctionnaire qui préfère garder l'anonymat. Bien que cela semble humoristique, beaucoup de professionnels admettent qu'il y a un fond de vérité derrière cette observation. En effet, les objectifs affichés par les ministres tendent souvent à être excessivement optimistes, parfois éloignés des réalités chiffrées fournies par les équipes chargées des prévisions.

Comment éviter ces prévisions excessivement ambitieuses, susceptibles d'entraîner des désillusions sévères quelques mois plus tard ? Peut-être en mettant fin au monopole de Bercy sur la confection des prévisions de recettes et de dépenses publiques. Ce pouvoir pourrait être transféré à un organisme indépendant comme le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP), qui pourrait également être impliqué dans les travaux de Bercy.

C'est, en tout cas, le message fort que Pierre Moscovici a délivré, mardi 21 janvier, lors de son audition devant la commission de l'Assemblée nationale, qui cherche à comprendre les dérapages des finances publiques pour 2023 et 2024. « Il est impératif de revoir notre méthode d'élaboration des prévisions », a plaidé l'ancien ministre socialiste, suggérant que ces prévisions devraient être moins influencées par l’« hubris politique ».

Cette proposition soulève des questions cruciales pour l’avenir de la gestion économique en France. Alors que les défis budgétaires se multiplient, l'appel à une analyse plus rigoureuse et indépendante pourrait être la clé pour instaurer une transparence et une responsabilité accrues, surtout au sein d'un contexte économique instable. Reste à savoir si le gouvernement prendra ces recommandations au sérieux ou continuera à s'appuyer sur des prévisions sujettes à des biais politiques.