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"On va perdre des filles !" : la loi sur l'interdiction du voile en compétition suscite une vive controverse dans le sport amateur

2025-03-29

Auteur: Louis

En mai dernier, Morgane a vécu une véritable "humiliation". Présente pour soutenir ses coéquipières de l'équipe de basketball de La Croix-Saint-Ouen (Oise) lors d'une rencontre départementale, elle porte un hijab qu'elle a choisi en raison de son engagement spirituel, étant donnée sa conversion à l'islam il y a douze ans. Cependant, la Fédération française de basketball a interdit depuis fin 2022 le port de tout signe religieux en compétition. L'arbitre a donc exigé qu'elle retire son foulard ou quitte le terrain, une situation qui l'a contrainte à s'asseoir sur une chaise, à l'écart, sans pouvoir jouer.

Un an après, Morgane a décidé d'arrêter le sport en club, incapable de concilier sa pratique sportive avec le port de son hijab, qu'elle définit comme son choix personnel. Cette situation ne fait pas que troubler Morgane ; elle met en lumière une division croissante au sein du sport amateur en France, suite à une proposition de loi des Républicains (LR) visant à élargir cette interdiction à tous les sports amateurs.

La loi actuelle, datant du 24 août 2021, impose déjà des restrictions sur les signes religieux pour les salariés des fédérations sportives et pour ceux sous leur autorité, telle que les arbitres et entraîneurs. Ces mesures s’appliquent également aux athlètes sélectionnés en équipe nationale et ont déjà eu des conséquences notables. Par exemple, lors des JO de Paris 2024, la sprinteuse Sounkamba Sylla a dû abandonner son foulard pour une casquette. Au total, 14 fédérations sur 81 ont imposé ces restrictions, provoquant des réactions critiques d'organisations comme Amnesty International, qui les qualifie de pratiques discriminatoires.

Face à cette montée des interdictions, une question se pose chez les acteurs du sport français : la nécessité de telles mesures est-elle justifiée ? Les partisans de l'interdiction affirment que le hijab représente une intrusion religieuse qui menace la cohésion sociale. Cependant, un rapport parlementaire indique que les comportements communautaristes ne touchent qu'un faible pourcentage des clubs et que peu de problèmes significatifs ont été observés sur le terrain.

Les acteurs du monde sportif interrogés soulignent que, pour une majorité, le hijab ne pose pas de problème dans la pratique. Des figures comme le judoka Teddy Riner affirment que dans d'autres cultures, la coexistence du hijab et du sport se fait harmonieusement. À l'opposé, des voix comme celle de l'ancien boxeur Mahyar Monshipour craignent que l'évolution vers l'acceptation du voile entraîne un recul du statut des femmes dans le sport.

La question de la laïcité est également au cœur du débat. Certains experts soutiennent que l'interdiction va à l'encontre des principes de la loi de 1905, qui ne demande la neutralité que pour ceux qui exercent un service public et non pour l'ensemble des citoyens. Cela suggère qu'il pourrait y avoir un déséquilibre entre la volonté de maintenir une certaine neutralité dans l'espace public et la liberté d'expression religieuse.

Si cette proposition de loi est adoptée, beaucoup craignent que cela entraîne un retrait massif des jeunes femmes musulmanes des activités sportives. "Nous allons perdre des élèves, clans des équipes, et cela pourrait nuire au développement du sport féminin en France", prévient Laurent Golfier, un entraîneur de handball. En fait, des voix comme celle de Bruno Vetticoz soulignent que ces mesures vont à l'encontre des efforts pour promouvoir l'inclusion et le développement dans des quartiers dits difficiles.

Pour finir, cette proposition de loi pourrait encourager la création de structures sportives parallèles, des clubs potentiellement communautaires, alors que des ressources sont déjà consacrées à l'inclusion et à la féminisation du sport. La situation actuelle nécessite un débat approfondi sur la façon dont la France peut naviguer entre la laïcité, la diversité et l'inclusion dans le sport.