"On nous met toujours des bâtons dans les roues" : quatre mois après la déception des législatives, les électeurs du RN oscillent entre colère et patience
2024-11-09
Auteur: Pierre
Depuis la nouvelle législature qui a suivi la dissolution, et alors que le livre de Jordan Bardella sort en librairies, le Rassemblement national doit continuer à jouer le rôle d'opposant. Dans le Var, en juillet, le parti a remporté 7 des 8 circonscriptions du département. Quatre mois plus tard, les électeurs affichent toujours un mécontentement tenace, et certains appellent Marine Le Pen à agir rapidement contre le gouvernement.
Lors d'un marché à Toulon, des militants du RN s'activent à distribuer des tracts. La plupart des retraités qui passent acceptent le tract avec un sourire complice. Quand la discussion commence, le même constat revient : "On mérite mieux que ça, ça a été un vol manifeste", s'insurge un homme. Un autre ajoute : "On nous met toujours des bâtons dans les roues, il faut nettoyer ce pays, hélas", soulignant le ras-le-bol général. Une femme, visiblement en colère, déclare : "Je suis très en colère, je suis en colère de tout. Et Madame Le Pen, je l'adore, je voterai pour elle."
Les électeurs ont beaucoup de mal à digérer le résultat des élections législatives marquées par un front républicain contre le RN. Lydia et Marc, anciennement macronistes, font part de leur indignation, notamment envers Emmanuel Macron : "C'est une honte". Ce couple, fraîchement retraité, a décidé de rejoindre le Rassemblement national. Marc exhorte à la patience : "Il faut attendre maintenant, deux ans, deux ans et demi. S'ils savent patienter, je pense qu'ils auront tout à gagner."
Cependant, beaucoup d'électeurs ne partagent pas la stratégie adoptée par Marine Le Pen à l'Assemblée nationale. Une récente étude IFOP-Fiducial indique qu'une majorité des sympathisants du RN souhaite que le parti vote rapidement une motion de censure. Selon un électeur à Toulon : "Il y a longtemps qu'on aurait dû le faire. Il faut renverser le gouvernement et mettre en avant nos projets."
Les questions programmatique interpellent également les électeurs, notamment sur la réforme des retraites. Jean-Claude, 86 ans, est ravi du positionnement social du RN, mais il est perplexe face à son vote contre le rétablissement de l'ISF, l'impôt sur la fortune : "Ces gens devraient contribuer, je pense qu'on peut prendre quelques sous là-dedans."
Un ancien électeur du Front National, agacé, reproche au RN de ne pas se batailler sur des sujets primordiaux : "Nous sommes au Front national pour l'immigration envahissante, pas pour des réformes avancées sur les retraites. Il serait plus judicieux de supprimer les aides aux migrants plutôt que de revenir sur cela. Je songe à voter pour Reconquête la prochaine fois."
L'électorat de Marine Le Pen reste solide selon plusieurs sondeurs, mais plus le Rassemblement national semble adopter une posture modérée, plus il risque de perdre le soutien de ses plus radicaux. Les craintes d'une dilution des valeurs d'extrême droite se font jour. En sortant du marché, nous rencontrons Tony, un trentenaire de Marseille, qui confie : "Je ne vote plus, c'est fini. Je suis déçu de tout le monde. Nous travaillons et nous n'arrivons même plus à subvenir à nos propres besoins." Il reconnait toutefois certaines propositions de Marine Le Pen, mais considère que le RN ne fait pas plus que les autres.
"Une fois élus, il n'y a plus rien qui se passe, c'est toujours pareil."
La difficile équation pour Marine Le Pen est d'attirer de nouveaux électeurs tout en conservant les électeurs historiques. Pour espérer succéder à Emmanuel Macron, elle doit naviguer entre promesses et attentes, sous peine de perdre sa base électorale.