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Nucléaire : Une Éponge Scintillante Révolutionne le Suivi des Rejets de Gaz Radioactifs

2024-09-28

Un groupe de physiciens, chimistes et métrologistes du CNRS, de l'Université Claude Bernard Lyon 1, du CEA et de l'ENS de Lyon a développé une méthode novatrice à la fois plus rapide et économique pour le suivi en temps réel des émissions de gaz radioactifs dans les centrales nucléaires.

Suivi des Rejets Radioactifs : Une Surveillance Essentielle

Lors de la production d'électricité et du recyclage de déchets radioactifs, l'industrie nucléaire libère des gaz radioactifs comme le tritium (3H), le krypton-85 (85Kr) et le carbone-14 (14C). Le krypton-85, produit de fission, est particulièrement surveillé, car il est capable de franchir les plus petites ouvertures, rendant sa détection cruciale. En cas de rejets excessifs, des actions correctives doivent être mises en place, comme cela avait été le cas avec la première version de l'EPR en Chine.

Les quantités de tritium et de carbone-14, générées à l'intérieur et à l'extérieur du réacteur par le flux de neutrons, sont également relâchées dans l’atmosphère. L'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) exige que toutes les installations procèdent à un bilan de ces rejets, qualifiés de « naturels ».

Un Indicateur Crucial pour le Bon Fonctionnement des Centrales

Le ratio de ces radioisotopes sert d'indicateur de l'état de santé des installations nucléaires, permettant de détecter une éventuelle fuite. Bien que ces radionucléides soient considérés comme ayant une faible toxicité — ne produisant pas de rayons gamma —, ils nécessitent des méthodes de détection spécifiques.

Des Technologies Traditionnelles Limitées

Actuellement, les technologies utilisées s'appuient sur des méthodes complexex de mélange gaz-liquide et gaz-gaz, engendrant des coûts élevés, générant des déchets, et étant peu efficaces pour certains des gaz à analyser.

Une Innovation Surprenante : L'Éponge Scintillante

La nouvelle méthode de détection mise au point repose sur un mélange gaz-solide, intégrant un aérogel de quelques centimètres de diamètre fait de nanoparticules scintillantes mesurant environ 5 nanomètres. Ce matériau, avec une structure ultraporeuse à 15% de solide et totalement transparent, joue un rôle clé dans la conversion de l'énergie produite lors de la désintégration des radionucléides en lumière visible.

Concrètement, chaque désintégration génère un flash lumineux mesuré quasi instantanément, permettant de fournir en temps réel le rapport Kr-85/H-3. C'est l'association unique du matériau, de la chaîne de détection et de l’analyse des données qui rend cette méthode sans précédent.

Un Progrès Écologique et Pratique

Cette approche se distingue également par sa capacité à réduire la contamination — l'éponge scintillante pouvant être réutilisée, contrairement aux techniques précédentes qui engendraient plus de déchets. Cela ouvre la voie à un large déploiement de capteurs pour surveiller les activités nucléaires civiles, avec des applications potentielles dans d'autres domaines tels que la recherche environnementale.

Vers un Prototype Portable

Afin de surmonter les défis, notamment la complexité de la manipulation de l’aérogel, l'équipe aspire à finaliser un prototype transportable dans les deux mois à venir pour l’essayer dans des conditions réelles. Ce projet s'inscrit dans le cadre du programme européen SPARTE3 et plusieurs brevets ont déjà été déposés.

Ce développement marque un tournant dans la manière dont nous surveillons les activités nucléaires, nous rappelant l'importance de la sécurité et de l'innovation technologique dans cette industrie à haut risque.