Management : la fin de l'« entreprise communautaire »
2024-11-10
Auteur: Léa
Depuis une décennie, la France et de nombreux autres pays occidentaux assistent à l'effondrement d'un modèle de grande entreprise qui a longtemps prévalu dans le monde industriel et tertiaire, en particulier durant la période des « trente glorieuses ». Ce modèle, souvent désigné comme « communautaire », se caractérisait par des carrières longues, relativement sécurisées et des avantages sociaux significatifs, permettant une intégration durable de ses membres autour d'une culture collective largement partagée. C'est aussi ce que l'on pourrait appeler une « entreprise-providence ».
L'émergence du capitalisme actionnarial
Les racines conceptuelles de ce modèle d'entreprise peuvent être retracées à l'ouvrage influent d'Adolf Berle et de Gardiner Means, publié en 1932 aux États-Unis, intitulé *The Modern Corporation and Private Property*. Dans ce livre, les auteurs examinent la manière dont les dirigeants d'entreprise se sont émancipés des volontés des actionnaires dispersés, amorçant ainsi une « révolution managériale » qui a donné aux managers davantage de contrôle sur l'organisation de la firme, nécessitant ainsi de nouvelles formes de coordination pour un nombre croissant de salariés.
Le concept de « technostructure » a été développé ultérieurement par John Kenneth Galbraith dans son ouvrage majeur, *The New Industrial State* (1967), qui offre une analyse plus approfondie de la structure des grandes entreprises.
Cependant, ce modèle a été largement contesté à la fin des années 1970 avec l'émergence du capitalisme actionnarial, promu par l'école de Chicago, notamment par Milton Friedman, qui a popularisé ces idées dans son célèbre livre *Capitalism and Freedom* (1962).
Cette tendance a été renforcée par l'évolution des politiques économiques sous les gouvernements de Margaret Thatcher au Royaume-Uni et de Ronald Reagan aux États-Unis, qui ont intégré ces principes dans leurs politiques, au moment où la mondialisation de l'économie prenait de l'ampleur.
Une individuality exacerbée
La transformation la plus marquante s'est cependant produite au milieu des années 2010, avec l'avènement incontournable de la numérisation, soutenue par les géants des conseils mondiaux et les avancées technologiques. En effet, la numérisation a redéfini les relations de travail et a souvent mis l'accent sur l'individualisation, rendant les carrières moins linéaires et incitant à une constante adaptation.
Aujourd'hui, un nombre croissant d'entreprises se tournent vers des modèles alternatif qui mettent l'accent sur l'agilité et la flexibilité, s'éloignant ainsi des anciennes structures rigides. Les managers modernes doivent désormais naviguer dans un environnement complexe où l’innovation et la vitesse de l’adaptation sont essentielles à la survie de l’entreprise. Cette évolution soulève des questions sur le futur de l'emploi, les conditions de travail et le bien-être des employés.
En conclusion, alors que le modèle de l'« entreprise communautaire » s'effondre, la nouvelle ère du management s'annonce pleine de défis et d'opportunités, redéfinissant la notion même de travail dans le XXIe siècle.