Science

"Lutte contre l'espionnage : La transformation de Limoges en bastion de la recherche sécurisée"

2025-01-16

Auteur: Jean

Limoges abrite deux laboratoires d'une importance cruciale : XLIM et l'IRCER (Institut de Recherche sur la Céramique). Ces dernières années, la sécurité dans ces institutions a été renforcée de manière drastique en réponse à une concurrence économique toujours plus vive et à des tensions géopolitiques croissantes.

Derrière les murs de ces laboratoires à la pointe de la technologie, 300 chercheurs, dont une majorité d'origine étrangère, s'emploient à des projets de recherche qui vont de l'innovation technologique aux secrets d'État. La question du personnel étranger émerveille et inquiète à la fois : des espions pourraient-ils se dissimuler parmi eux ?

« Je ne suis pas un espion, soyons clairs », plaisante Melchor Potesta, chercheur philippin à l'IRCER. « J'ai dû passer par un processus de vérification pour être engagé ici. J'ai soumis mon CV et une proposition de recherche, suivis d'une enquête pour valider mes informations professionnelles et personnelles. » Cette rigueur est devenue essentielle dans un contexte international où la sécurité des données est primordiale.

Chaque chercheur reçoit une carte d'accès qui lui permet d'accéder à certaines zones, mais pas toutes. « Certaines parties de l'IRCER sont restreintes à cause de la nature sensible des recherches - notamment celles liées à la défense nationale », explique Melchor.

Un œil vigilant est particulièrement porté sur des pays comme la Russie, l'Inde, l'Iran et la Chine. En décembre 2024, l'entreprise Ommic, autrefois partenaire de XLIM, a été rattrapée par un scandale judiciaire, renforçant la méfiance envers les collaborations internationales.

Christophe Peyrel, responsable à la Défense et à la Sécurité au ministère de l'Enseignement supérieur, souligne que des pays comme la Chine affichent des priorités spécifiques dans leurs recherches. « Ils privilégient souvent leur prospérité nationale au détriment d'une recherche collaborative », dit-il.

XLIM et l'IRCER sont classés comme organismes de haute sécurité. Pour y entrer, les chercheurs doivent obtenir un avis favorable du ministère et établir des conventions avec des institutions étrangères de confiance.

La recherche dans ces laboratoires couvre des domaines sensibles, allant de la technologie militaire aux avancées en télécommunications. Kariny Numesmaia, doctorante brésilienne, travaille sur des microcircuits imprimés, mais se voit contrainte de ne connaître qu'une fraction des projets globaux. « Je suis impliquée dans deux groupes de recherche, mais chaque membre se concentre sur une partie distincte, ce qui limite notre vision collective des projets », déclare-t-elle.

Bruno Barelaud, professeur à XLIM et responsable de la sécurité, rappelle l'importance de protéger le patrimoine scientifique français. Les chercheurs doivent faire preuve de prudence lors de leurs déplacements, et même des étudiants aux niveaux avancés peuvent être jugés « à risque ».

L’équilibre entre la sécurité nationale et l’ouverture à la recherche internationale est délicat. Bien que chaque chercheur puisse discuter librement en dehors du laboratoire, le contrôle préalable est là pour éviter les fuites potentielles d'informations sensibles. « La lutte contre l'espionnage est essentielle, mais ne doit pas isoler la France de la communauté scientifique mondiale », conclut Christophe Peyrel. Ainsi, le défi réside dans le développement d'une recherche sécurisée tout en cultivant des échanges fructueux entre chercheurs, car même de pays jugés sensibles comme la Chine, l'apport en connaissance est crucial pour faire avancer la science française.