Lire dans les pensées : une avancée technologique qui pourrait changer nos vies
2024-11-11
Auteur: Léa
Depuis deux ans, l'intelligence artificielle a profondément transformé notre quotidien, mais une autre révolution, plus discrète, se dévoile dans les laboratoires de neurosciences aux États-Unis. Des chercheurs consacrent leurs efforts à comprendre notre activité cérébrale depuis plus d'une décennie, et leurs résultats sont à la fois fascinants et troublants : ils arrivent désormais à décoder les schémas neuronaux complexes qui reflètent nos pensées, nos paroles, voire nos intentions. Lire dans les pensées, un rêve ancien qui attire également l'intérêt de géants technologiques comme Meta.
Cette percée, autrefois domaine de la science-fiction, promet des applications thérapeutiques révolutionnaires, notamment pour les personnes ayant des troubles de la communication. Cependant, ces progrès soulèvent d'importantes questions éthiques : si nos pensées les plus intimes peuvent être dévoilées, que devient notre identité personnelle ?
À l'Université du Texas à Austin, l'équipe d'Alexander Huth utilise une méthode non invasive qui repose sur l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), associée à un « décodeur sémantique » alimenté par l'intelligence artificielle. Ce système crée un modèle cérébral unique pour chaque individu. Jerry Tang, un neuroscientifique de l'équipe, décrit la technique : « Nous construisons un modèle basé sur les enregistrements cérébraux d'une personne, ce qui nous permet ensuite de prédire ses pensées en traduisant l’activité neuronale en mots. »
Les résultats, parus dans la revue Nature Neuroscience en mai 2023, démontrent l'incroyable précision de cette technologie. Lors d'une expérience, le système a réussi à interpréter la pensée d'un participant écoutant la phrase « Je ne savais pas si je devais crier, pleurer ou m'enfuir » et à la reformuler en « Elle s'est mise à crier et à pleurer, puis a dit 'Je t'ai demandé de me laisser tranquille. Tu ne peux pas me faire de mal' ». Bien que la traduction ne soit pas encore parfaite, elle est pour le moins impressionnante.
Dans le même temps, à San Francisco, Edward Chang et son équipe adoptent une approche différente. Entre 2019 et 2021, ils ont mené des recherches démontrant comment l'apprentissage automatique peut interpréter les schémas d'activité cérébrale. Leur technique consiste à implanter des électrodes dans le cerveau de patients volontaires, ciblant les zones responsables de la parole. Cette méthode, moins intrusive que celle développée par Neuralink, permet de détecter les modèles neuronaux associés à chaque son, des voyelles aux consonnes.
Les bénéfices potentiels pour ceux ayant perdu la parole, comme les victimes d'accidents vasculaires cérébraux ou de maladies comme la sclérose latérale amyotrophique, sont considérables. Les mots peuvent être reconstruits à partir des schémas cérébraux, et plus récemment, les chercheurs ont montré que ces phrases peuvent être transformées en voix synthétique et en mouvements faciaux pour un avatar numérique, permettant ainsi une communication par le biais des expressions faciales.
Avec l'essor commercial de cette technologie, de plus en plus d'appareils portables et d'applications de neurotechnologie personnelle apparaissent sur le marché, promettant d'aider les utilisateurs à visualiser leurs ondes cérébrales en temps réel pour optimiser leur méditation ou leur concentration. Même des entreprises comme Apple investissent dans ce domaine, ayant récemment obtenu un brevet pour des écouteurs intégrant des capteurs d'électroencéphalographie.
Cependant, cette démocratisation soulève des préoccupations pour des experts comme Rafael Yuste, président de la Fondation Neurorights. En analysant les conditions d'utilisation de ces applications, il a découvert que les utilisateurs cèdent la propriété de leurs données cérébrales aux entreprises, qui peuvent les vendre sans restriction. « Les données cérébrales dans le domaine commercial ne sont pas protégées » souligne-t-il.
Face à ces enjeux, certains pays commencent à réagir. Le Chili a été le premier à inscrire le droit à la confidentialité neuronale dans sa constitution en 2021, suivi par le Brésil et le Mexique en 2023. Aux États-Unis, le Colorado a intégré la protection des données neurologiques dans sa législation à l'été 2024. Sommes-nous en train de franchir une nouvelle frontière éthique ?