NUMÉRIQUE - « Les Français n’auront rien à envier aux Américains ! »

C’est ce que promettait le projet Lucie, l’alternative française à ChatGPT, soutenue par l’État. Mais à peine deux jours après son lancement, des moqueries et critiques acerbes des internautes ont conduit ses créateurs à une fermeture temporaire, le samedi 25 janvier.

Conçu par Linagora en partenariat avec le CNRS, Lucie avait pour ambition de se démarquer grâce à une transparence accrue et une orientation vers l'éducation, prévue pour 2025.

Cependant, les premiers tests ont révélé des résultats pour le moins déroutants. Un internaute a demandé combien de « r » se trouvent dans le mot anglais « strawberry », et Lucie a alors répondu « un seul ». Côté cuisine, elle a estimé le « poids moyen d’un trou dans un gruyère » entre « 10 et 20 grammes » et vanté les « protéines » et les « nutriments » présents dans les « œufs de vache ». Plus surprenant encore, en réponse à l’opération simple « 5(3+2) », Lucie a d’abord avancé « 17 », puis a modifié sa réponse à « 50 », démontrant un certain flou mathématique.

Une expérimentation mal préparée

Le flot de critiques a conduit à la décision de retirer Lucie du domaine public, alors qu’un accès d’un mois était prévu. Dans un communiqué, les développeurs ont souligné que Lucie était avant tout un projet de recherche, encore en phase initiale. Ils ont précisé que l’IA ne devait pas être perçue comme un modèle de connaissance, mais plutôt comme un « modèle de langage », susceptible de contenir des « biais et erreurs ». Il n’est donc pas surprenant que Lucie ait pu donner de telles réponses farfelues, comme celle sur la racine carrée d’une chèvre.

Cette phase d’ouverture était également prévue pour collecter des « données d’instruction » en interagissant avec les utilisateurs. À la différence des géants de la tech, qui ont accès à des millions de paires de questions/réponses pour entraîner leurs systèmes, Lucie ne bénéficiait que de quelques dizaines de milliers d'exemples en français, ce qui s'est révélé largement insuffisant pour offrir une performance acceptable.

Dans leur communiqué, les créateurs ont reconnu qu’ils avaient été « emportés » par leur « propre enthousiasme » et qu’ils avaient besoin de « calme et de temps » pour améliorer leur démarche. Pour Michel-Marie Maudet, cofondateur de Linagora, la « preview publique » de Lucie a été « trop rapidement publiée » et la communication insuffisante. Il a exprimé ses regrets sur la plateforme X.

À l'avenir, Lucie pourrait également bénéficier d’un encadrement plus rigoureux

et d'une phase de test étendue, afin de corriger ses nombreuses imperfections. Espérons que cette expérience servira de leçon dans le monde en constante évolution de l’intelligence artificielle.