Science

Les attentats de 2015 : un tournant dans la recherche sur la mémoire traumatique

2025-01-10

Auteur: Julie

INTERVIEW - Impact des attentats de 2015 sur la mémoire traumatique

Les attentats tragiques de 2015, qui ont profondément marqué la France, ont eu un impact considérable sur la compréhension et les recherches concernant la mémoire traumatique. La mémoire individuelle, empreinte d'expériences personnelles, se mêle à la mémoire collective, influençant notre façon de vivre le traumatisme. C'est ce que nous explique Francis Eustache, neuropsychologue et professeur à l'Université de Caen-Normandie, qui dirige un projet de recherche sur ce sujet important.

Le programme de recherche « 13-novembre »

Avec l’historien Denis Peschanski, Eustache a lancé un programme de recherche innovant intitulé « 13-novembre », mis en place après les attentats. Ce projet vise à explorer en profondeur le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et comment en améliorer la prise en charge d’ici à la fin de l’année 2028.

Un retard en matière de recherche avant 2015

Avant 2015, la recherche sur le TSPT en France était relativement peu avancée. Francis rappelle qu'en se retournant une décennie en arrière, le pays souffrait d'un retard par rapport aux États-Unis, qui avaient déjà collecté des données sur le PTSD suite à la Guerre du Vietnam. Le 11 septembre 2001 a marqué un tournant en éveillant les consciences sur les symptômes du psychotraumatisme.

Une prise de conscience sociétale

L'expert indique que, bien que des efforts aient été réalisés pour traiter ces problématiques, les attentats de 2015 ont catalysé une prise de conscience sociétale inédite. Des mouvements comme #MeToo ont ouvert la voie à des discussions sur les violences psychologiques, et les événements tragiques ont placé le trauma psychique au premier plan des préoccupations de santé publique.

Une réflexion collective après les attaques

Après les attaques de Charlie Hebdo, le 13 novembre a été un moment clé qui a incité à une réflexion collective. L'urgence d'agir a été palpable dans les jours qui ont suivi les massacres, incitant des chercheurs comme Eustache et Peschanski à formuler des études multidisciplinaires sur l'impact des événements traumatisants.

Les études du programme « 13-novembre »

Le programme « 13-novembre » comprend deux études principales: l'étude « 1000 », qui analyse les répercussions de l'attentat sur un échantillon de 1000 personnes sur une période de 10 ans, et l'étude « Remember », qui utilise des techniques d'imagerie cérébrale pour examiner la mémoire des traumatismes et leur effet sur la santé mentale.

La notion de « souvenir traumatique »

La recherche explore également la notion de « souvenir traumatique ». Selon Francis Eustache, il est complexe de définir le souvenir d'un traumatisme, car il est souvent déformé et fragmenté. Ces souvenirs engendrent des intrusions perturbantes qui peuvent affecter gravement le bien-être mental des personnes touchées.

Usage d'imageries cérébrales pour comprendre les souvenirs intrusifs

Un aspect significatif du travail actuel est l'usage d'imageries cérébrales pour mieux comprendre comment les victimes gèrent ces souvenirs intrusifs. En scrutant les mécanismes cognitifs, les chercheurs espèrent proposer des solutions d'intervention adaptées.

Implications du procès des attentats de novembre

Il ne fait aucun doute que le procès des attentats de novembre a eu des implications sur la recherche en offrant un cadre pour explorer comment l’individuel et le collectif interagissent. Les témoignages des victimes, des familles, et des secouristes lors de ce procès ont aidé à construire une mémoire collective plus partagée et plus qualitative, permettant ainsi une réécriture des récits traumatiques.

Importance de la narration autobiographique

Le chercheur conclut en soulignant l'importance de la narration autobiographique et la capacité des victimes à intégrer leur expérience traumatique dans leur parcours de vie. Cette recherche continuera à façonner notre compréhension du TSPT, apportant des éclairages essentiels et un espoir d'amélioration dans la prise en charge des victimes.