Le sens commun : une notion plus complexe qu'elle n'y paraît
2024-11-09
Auteur: Pierre
Au XVIIIe siècle, le philosophe écossais James Beattie a dressé une liste de 17 certitudes qui sont censées relever du "sens commun", ou "bon sens". Parmi celles-ci, certaines semblent évidentes, comme "J’existe" et "Le tout est plus grand que la partie". D'autres, en revanche, touchent à des questions morales ou spirituelles, telles que "La vertu et le vice sont différents" ou "Il y a un dieu". Si certaines affirmations peuvent sembler irréfutables, d'autres demeurent sujettes à débat, même sur le plan scientifique.
Il est vrai que la notion de sens commun paraît simple à première vue, regroupant ce que nous considérons généralement comme des connaissances ou convictions évidentes. Toutefois, cette facilité apparente cache une réalité plus nuancée. À l'ère moderne, les scientifiques et philosophes commencent à se pencher sur la véritable nature du sens commun et sur le fait qu'il pourrait ne pas être si commun que cela.
Les implications de cette découverte sont loin d'être mineures. Le sens commun est érigé en principe dans de nombreux domaines, de l'éducation à la politique, en passant par la santé publique et le droit. Dans le domaine technologique, il joue un rôle prépondérant : les chercheurs en intelligence artificielle (IA) s'efforcent d'inculquer un semblant de bon sens aux machines, afin de les rendre plus humaines.
L'idée de sens commun n'est pas nouvelle. Elle figure même en tête de la Déclaration d’indépendance des États-Unis, affirmant que "toutes les vérités sont évidentes en elles-mêmes". À notre époque, des figures politiques et des professionnels de la santé proportionnent souvent leurs décisions à ce qu'ils considèrent comme "bon sens". Pourtant, malgré cette omniprésence, la recherche académique sur ce concept demeure étonnamment rare.
La plupart des études sur le sens commun peuvent être classées en deux catégories. D'une part, nous avons des travaux plus théoriques, menés par des philosophes et sociologues qui interrogent l'importance du sens commun pour nos sociétés. D'autre part, une recherche plus récente s'intéresse à la faisabilité de reproduire ce fameux bon sens au sein des machines.
Duncan Watts, chercheur à l'université de Pennsylvanie, et son collègue Mark Whiting, ont entrepris une telle recherche en rassemblant 4 407 affirmations considérées par certains comme relevant du sens commun. Ces déclarations proviennent de sources variées, telles que des articles d'actualité, des campagnes politiques et d'autres créations humaines. Leur analyse a permis de constater une grande diversité d'opinions sur ce qui est considéré comme "évident". Des affirmations allant de "Tous les gens sont humains" à "Les armes à feu sont dangereuses" ont été présentées à plus de 2000 participants, fournissant un aperçu fascinant des perceptions collectives sur le bon sens.
En conclusion, le sens commun se révèle être un concept plus complexe qu'un simple ensemble de vérités universelles. Sa définition et ses implications sont sujettes à un débat intellectuel qui mérite d'être approfondi, tant par les chercheurs que par la société dans son ensemble.