
« Le risque de contamination est extrêmement élevé » : la méga usine de batteries près de Bordeaux suscite toujours de vives controverses
2025-04-07
Auteur: Jean
Le projet EMME, qui signifie « Electro Mobility Materials Europe », continue de soulever des débats intenses au nord de Bordeaux, plus précisément dans la commune de Parempuyre. Cette initiative ambitieuse vise à implanter une méga usine au coeur d'un parc de 6000 hectares, le long de la Garonne, pour traiter nickel et cobalt, des matériaux clé pour les batteries de voitures électriques. Cette infrastructure, dont le coût dépasse les 500 millions d'euros, a été mise en avant par Emmanuel Macron lors du sommet Choose France en mai 2024.
Sylvie Dubois-Decool, directrice générale de l'EMME, explique que ce projet est crucial pour la transformation de l'industrie automobile et la fabrication de batteries, actuellement dominées par la production asiatique. « Nous devons assurer une indépendance et une souveraineté françaises dans ce domaine, comme cela a été le cas lors de la crise des masques », souligne-t-elle.
À partir de 2028, l'usine devrait permettre le traitement de 20 000 tonnes de nickel et 3 000 tonnes de cobalt par an, générant ainsi 89 000 tonnes de sulfate de nickel et 9 000 tonnes de sulfate de cobalt. Grâce à son implantation stratégique à proximité de l'estuaire de la Gironde, les matières premières pourraient être livrées par voie maritime, et les produits finis stockés sur place avant d'être expédiés.
Cependant, le projet suscite une vive opposition parmi les habitants et les associations locales. Le site d'implantation de l'usine est classé Seveso seuil haut, le niveau le plus élevé en termes de dangerosité, en raison de la toxicité des produits traités, surtout au contact de l'eau. Les critiques grondent, notamment sur le terrain agricole et inondable choisi pour l'installation, à proximité immédiate de la Garonne. Florence Bougault, membre de la Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso), alerte sur les risques d'artificialisation du site et l'érection d'une digue artificielle, soulignant : « C'est un projet inadapté à cette zone, dont les abords sont destinés à rester non constructibles. »
Le porte-parole du collectif Alerte Seveso Bordeaux Métropole, Fred Beaujean, avertit que le risque de contamination des sols et des eaux pourrait avoir des conséquences graves et persistantes sur la santé humaine et la biodiversité. Il regrette également un manque de transparence et de communication initiale autour de ce projet, lancé en 2023. « Les communes ont été informées très tard. On nous a dit que, peu importe notre avis, le projet avancerait », affirme-t-il.
Face à ces préoccupations, le groupe responsable du projet se défend en déclarant que le choix de l'emplacement en bord de Garonne est stratégique pour le transport des volumes importants de matériaux. Ils promettent de minimiser l'impact environnemental et ont pour priorité d'engager le dialogue avec les habitants. Sylvie Dubois-Decool insiste sur l'importance d'une concertation ouverte, permettant aux habitants de s'approprier le projet. Cette phase de dialogue a été relancée le 24 mars dernier, sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), et des conférences ainsi que des ateliers thématiques sont programmés jusqu'au 15 mai, avec une analyse des conclusions prévue un mois plus tard.
Pour l'heure, les travaux de construction de l'usine sont anticipés entre 2026 et 2027. L'avenir reste incertain et l'opposition pourrait encore s'intensifier à mesure que le débat public se poursuit.