
Le Procès de Klaus Barbie : la « bête humaine » face à ses juges
2025-04-08
Auteur: Marie
Neuf minutes. Neuf minutes durant lesquelles Simone Lagrange partage son expérience traumatisante de l'arrestation, des tortures infligées, du transport terrifiant de Drancy à Auschwitz. « Nous sommes devenus des gens différents », témoigne-t-elle en décrivant l'existence concentrationnaire, la mort tragique de son père abattu par un soldat allemand. La clarté de son discours, enchevêtrée de douleur, rend les atrocités évoquées d'autant plus insupportables. Son témoignage lors du procès de Klaus Barbie, qui s'est tenu entre mai et juillet 1987, marque un tournant historique. Il s'agit du premier procès en France à juger des crimes « contre l'humanité », confrontant « le boucher de Lyon » aux souvenirs de ses victimes et contribuant ainsi à créer la mémoire collective de la Seconde Guerre mondiale.
Avec environ 800 journalistes présents, une salle des pas perdus transformée en cour d'assises, 40 avocats dont Jacques Vergès pour la défense, et quatre années d'instructions, cet événement a suscité l'attention internationale. Le nom de Klaus Barbie avait déjà circulé depuis des années, particulièrement en Amérique du Sud. Le couple Klarsfeld, pionniers dans la traque des nazis, l'y avait retrouvé. De plus, un journaliste français avait réussi à l’interviewer, l’amenant à parler même de Jean Moulin, torturé par Barbie en 1943. Alors en Bolivie, il se faisait appeler Klaus Altmann, se livrant à des activités d'instruction auprès de forces de sécurité locales sur la traque des opposants politiques.
L'absence de culpabilité de Klaus Barbie est frappante. Ancien chef de la Gestapo à Lyon, il menace les plaignants par sa simple présence, mais son arrestation en 1983 par Robert Badinter à la prison de Montluc a enfin permis que justice soit faite. Ce dernier, en tant que garde des Sceaux, a choisi de ne pas laisser le passé enterré, un choix que le président François Mitterrand a scruté avec des réserves, craignant de raviver d'anciennes blessures.
Les témoignages des rescapés, certains très âgés, s'accumulent lors du procès. Leurs voix, souvent étouffées par des décennies de silence, s'élèvent pour dénoncer les horreurs subies. Une femme témoigne avec indignation : « Il vit encore, un homme comme ça ! Alors que toute ma vie j’ai souffert. » Ces paroles résonnent dans la salle silencieuse, tandis que les regards des survivants cherchent une once de culpabilité dans ceux de l'accusé. Cependant, un rapport psychiatrique conclut : « Il n’exprime aucune remise en question. » Jacques Vergès, dans un acte de défi, cherche à disqualifier les témoignages pour défendre sa thèse que Barbie n’est qu’un « homme seul. » Pourtant, la réalité se révèle par un télex qui prouve la culpabilité de Barbie, ayant orchestré l'envoi à la mort d'enfants de la colonie de vacances d'Izieu en avril 1944.
Finalement, sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité marque la fin d'un procès où, selon Alain Jakubowicz, « la justice a écrit l'histoire de notre pays. » Ce procès a jeté un éclairage sur les responsabilités individuelles dans les crimes contre l'humanité et a ouvert la voie à de futurs jugements, incitant les sociétés à ne jamais oublier son atrocité et à rester vigilantes face à l'oubli.