Science

L'Assèchement de la Mer d'Aral : Une Catastrophe Écologique qui Modifie la Structure de la Terre

2025-04-07

Auteur: Sophie

« L'humanité a perturbé la tectonique des plaques juste pour augmenter les rendements agricoles ! » s'exclame Simon Lamb, chercheur en géosciences à l'Université de Wellington, en Nouvelle-Zélande. Le désastre environnemental causé par l'assèchement de la mer d'Aral, située entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, a eu des répercussions inattendues non seulement à la surface, mais également dans les profondeurs de notre planète. Une étude publiée le 7 avril dans Nature Geoscience met en lumière ces effets surprenants.

Autrefois le quatrième plus grand lac du monde, la mer d'Aral a été sévèrement affectée par le détournement de ses deux principaux fleuves, le Syr-Daria et l'Amou-Daria, principalement pour l'irrigation de cultures comme le coton sous l'époque soviétique. Aujourd'hui, ce qui était jadis un vaste plan d'eau est devenu un désert de sable et de sel. Entre 1960 et 2018, la surface de la mer d'Aral a diminué de 90 % et son volume de 93 %, engendrant un « Tchernobyl silencieux », selon les chercheurs, avec des impacts écologiques et économiques dévastateurs. De nombreuses espèces animales ont disparu et les activités humaines ont pratiquement cessé.

Les travaux menés par Teng Wang, maître de conférences à l'École des sciences de la Terre et de l'espace de l'Université de Pékin, ont révélé que l'assèchement du lac n'a pas seulement eu des conséquences à la surface, mais a également influencé la déformation des couches terrestres profondes. Grâce à des radars, l'équipe a mesuré avec une grande précision les différences de position du sol dans le bassin de la mer d'Aral entre 2016 et 2020 à l'aide des satellites Sentinel-1 du programme européen Copernicus.

Avant le rétrécissement de la mer d'Aral, le poids de l'eau faisait s'enfoncer la croûte terrestre. En un laps de temps relativement court, près de 1 000 milliards de tonnes d'eau se sont évaporées. Les scientifiques s'attendaient donc à ce que la croûte terrestre « rebondisse », telle une éponge comprimée. Toutefois, il a été observé que même après l'assèchement, le fond de l'ancien lac s'élevait encore à un rythme moyen de 7 millimètres par an sur une vaste région allant jusqu'à 500 kilomètres du centre du lac.

Les simulations effectuées révèlent que ce phénomène réside à plus de 150 kilomètres sous la surface, dans l'asténosphère, une couche du manteau terrestre. La roche chaude qui s'y trouve se déforme lentement sous pression, provoquant des mouvements dans les plaques tectoniques qui flottent au-dessus. Ces découvertes soulignent une interconnexion alarmante entre les actions humaines et les processus géologiques profonds.

Une fois la mer d'Aral asséchée, l'asténosphère, devenue extrêmement visqueuse, commence à se repositionner, ce qui déplacera les plaques tectoniques à un rythme similaire à leur mouvement naturel. Cette transformation prendra des décennies, et elle témoigne de la manière dont les activités humaines peuvent avoir des conséquences profondes, atteignant même le manteau supérieur de la Terre. Les résultats de cette étude nous rappellent que même nos choix agricoles peuvent influer sur notre planète à des niveaux insoupçonnés.