L'arrivée de l'intelligence artificielle dans le monde du doublage suscite des inquiétudes croissantes, et cette fois, ce n'est pas qu'à Hollywood. Un an après une grève historique à l'autre bout de l'Atlantique, la société Eleven Labs propose un sujet sensible. Cette entreprise parisienne, spécialisée dans les outils d'apprentissage automatique, a récemment annoncé avoir réussi à créer un clone vocal de Sylvester Stallone, en mémoire d'Alain Dorval, le comédien qui prêtait sa voix à l'acteur depuis les années 70, décédé l'an passé.

Le projet de doublage, qui doit être présenté dans le prochain film d'action intitulé "Armored", a déjà provoqué un véritable tollé sur les réseaux sociaux, où un extrait a été partagé. Les nouvelles séquences montrent Stallone, accompagné de cette voix numérique, mais de nombreux professionnels du secteur se posent des questions sur l'impact d'une telle technologie sur la qualité artistique et l'authenticité des performances vocales.

Dans un communiqué, Eleven Labs a déclaré : “Nous avons collaboré avec Lumière Ventures et la succession d'Alain Dorval pour donner une nouvelle vie à un acteur dont la voix est ancrée dans l'imaginaire collectif”. Cependant, cette décision n'a pas été bien accueillie par la famille Dorval. La fille d'Alain, en effet, a exprimé ses inquiétudes sur l'utilisation de l'IA, précisant qu'elle souhaitait que toute innovation honore le métier de doublage et l'héritage de son père. Elle a souligné que son père aurait été opposé à une telle démarche.

Aurore Bergé, ministre déléguée en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes, a également pris position sur cette expérimentation, affirmant que son accord était donné uniquement pour un essai et rien de plus. Sur Twitter, elle a ajouté avoir découvert que cet engagement n’était pas respecté et que la voix clonée serait finalement utilisée sans son approbation. Face à cela, le doublage de Stallone a été confié à un autre acteur, mais les répercussions de cette expérimentation continuent de faire débat.

Les préoccupations au sein de la profession se multiplient, avec des comédiens de doublage tels que Donald Reignoux qui s'interrogent sur les implications éthiques derrière un tel projet. "Pourquoi un essai ?", a-t-il demandé, rappelant l'héritage d'Alain Dorval et son engagement pour la préservation de ce métier.

En parallèle, une pétition a été lancée, atteignant déjà plus de 162 000 signatures. Celle-ci appelle le gouvernement à légiférer pour réguler l'utilisation de l'IA dans le secteur culturel, soulignant l'urgence de protéger les artistes et la culture face à l'émergence de technologies qui menacent les emplois et le savoir-faire traditionnel. Le débat autour de l'utilisation de l'IA dans le doublage va continuer d'alimenter les discussions, remettant en question l'avenir de ce secteur emblématique.