
« La grotte, il fallait la fouiller, la gazer et si possible faire sauter l’entrée » : L’utilisation choquante d’armes chimiques par l’armée française en Algérie
2025-03-12
Auteur: Marie
Révélations troublantes sur l’histoire militaire française : un documentaire captivant de 52 minutes, dirigé par la réalisatrice Claire Billet, explore l’utilisation controversée des armes chimiques par l’armée française pendant la guerre d'Algérie. Intitulé « Algérie, sections armes spéciales », ce film s’appuie sur près de dix ans de recherches de l’historien Christophe Lafaye, qui a recueilli des témoignages poignants d’anciens soldats français et d'Algériens, tout en explorant des archives officielles.
En 1956, une nouvelle section, nommée « armes spéciales », est créée avec pour mission de déloger les combattants de l’Armée de libération nationale (ALN) de leurs caches montagnardes. Cette unité était le résultat d’une véritable doctrine militaire, expérimentée avant d’être systématiquement appliquée sur le terrain. Par « armes spéciales », il convient de comprendre l’usage de gaz toxiques, parmi lesquels figure le CN2D. Ce dangereux cocktail, qui allie un gaz dérivé du cyanure et un autre de l’arsenic, provoque des effets dévastateurs sur la santé, incluant irritations pulmonaires, visuelles sévères, nausées et, dans des espaces confinés, un risque de mortalité accrue.
L’un des témoignages les plus saisissants provient de Jean Vidalenc, un ancien soldat désormais âgé, qui se remémore : « La grotte, il fallait la fouiller, la gazer et si possible faire sauter l’entrée. » Sa voix tremble en racontant comment l'utilisation d'un « pot de gaz » a conduit à la neutralisation de plusieurs adversaires à Tolga, en décembre 1959. Pour lui, l’ombre de la guerre d’Algérie ne le quitte jamais : « Je ne me suis pas endormi une fois en 60 ans sans penser à cela. »
Armand Casanova, un jeune soldat de 18 ans surnommé « le rat » en raison de sa capacité à se faufiler dans les tunnels étroits, se souvient encore de l’odeur âcre du gaz. « L'odeur du gaz, je la sens encore. L’odeur de la mort aussi », confie-t-il, hochant la tête en se remémorant des évènements terrifiants : « Un quart d’heure suffisait pour périr. »
L'historien Christophe Lafaye estime que, bien que 440 opérations utilisant des armes chimiques aient été documentées en Algérie, principalement dans les montagnes de Kabylie et des Aurès, ce chiffre est largement sous-estimé. Selon ses recherches, il pourrait y avoir eu entre 5.000 et 10.000 actions similaires sur l'ensemble du territoire algérien, certaines qualifiées d'« offensives » portant atteinte à la vie de milliers d'Algériens.
Cependant, le bilan exact de ces actions reste difficile à établir, en grande partie à cause de l’inaccessibilité des archives militaires françaises concernant cette période sombre. Dès 2020, Christophe Lafaye et un groupe d’historiens ont appelé à une ouverture complète des archives classées secret défense, espérant ainsi faire la lumière sur ces événements tragiques. Cette lutte pour la vérité met en exergue l’importance de rappeler cette page troublante de l’histoire pour les générations futures qui doivent comprendre les conséquences des conflits armés.