« La France au bord de la crise sociale »… Le chômage est-il de retour ?
2024-11-15
Auteur: Emma
Attention, une crise économique peut en cacher une autre. Alors que la dette française explose, que le déficit inquiète et que l'inflation continue de faire des ravages, la France semble sur le point de retrouver un ancien compagnon de route douloureux : le chômage. Ce dernier remonte timidement depuis plus d'un an. Après avoir atteint son plus bas niveau depuis 1982 à la fin de l'année 2022, à 7,1 %, il est désormais à 7,4 % pour le troisième trimestre 2024, selon les dernières données de l'Insee publiées ce mercredi. Les récents annonces de plans sociaux chez Auchan et Michelin, avec près de 3 700 postes en jeu, remettent en question la situation sur le marché de l'emploi.
La question qui se pose est donc : le chômage est-il réellement de retour ? Cette interrogation a marqué l'ensemble du quinquennat de François Hollande, où abaisser le chômage, alors à deux chiffres, était l'une des conditions qu'il avait posées pour se représenter en 2017 — un pari qui n’a pas été tenu. Sous la présidence d’Emmanuel Macron, l’objectif a été de viser le plein emploi, soit moins de 5 % de chômage, un souhait désormais perçu comme difficile à atteindre. Le ministre de l'Industrie, Marc Ferracci, a même évoqué sur France Inter un pessimisme accru face aux prévisions de fermetures d'entreprises à venir.
Une spirale inquiétante
Faut-il s'inquiéter ? Marc Touati, macro-économiste, est convaincu que le chômage continuera d’augmenter : « Selon les perspectives d’emploi des chefs d’entreprise et celles des ménages, le chômage pourrait atteindre environ 8,5 % au printemps-été prochains. » Pour lui, la France est entrée dans une spirale pernicieuse : plus il y a de chômage, moins il y a de production et, par conséquent, moins de croissance. Cela entraîne une hausse de la dette et des taux d'intérêt, ce qui impacte les investissements des entreprises et, inéluctablement, les emplois disponibles. « La France se trouve au bord d'une crise sociale. »
Une situation à nuancer
Cependant, certains économistes comme Christine Ehrel, spécialiste des comparaisons européennes, sont moins alarmistes. Elle observe que la situation globale est plutôt bonne, bien qu'il y ait eu une légère hausse du chômage de 0,1 % au dernier trimestre. De plus, l'emploi des seniors est en hausse, ce qui est un bon signe.
Les prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) annoncent un chômage autour de 8 % d’ici fin 2025. Même si cela représente une hausse, « nous sommes loin des trajectoires catastrophiques que nous avons connues lors des crises précédentes », souligne-t-elle. Rappelons qu’en 2014, 2015 et 2016, le taux de chômage en France était supérieur à 10 %, et qu'il avait été propulsé à 9,2 % en 2009 suite à la crise des subprimes.
Les causes d’un retour prévisible
Alors, comment expliquer ce retour du chômage ? Marc Touati considère que sa résurgence est en quelque sorte un miracle tardif. Il souligne une réalité troublante : la France a connu quatre mois successifs de baisse des investissements des entreprises. La croissance se montre également décevante, avec des taux de 0,7 % en 2023 et 1,1 % en 2024, nourrie principalement par les événements des Jeux Olympiques de Paris. L'investissement dans le secteur du logement est en recul depuis treize mois, un chiffre qui représente un record préoccupant.
« La France doit faire face à l'effondrement des entreprises zombies, soutenues artificiellement durant la pandémie de Covid-19 et maintenant la crise inflationniste », continue Marc Touati. La fin progressive des aides d'État met à mal ces entreprises fragile, entraînant dans leur chute des sociétés aux finances plus saines. L’économiste conclut que l’État n’a plus de marges de manœuvre face à cette situation et doit se préparer à en subir les conséquences.
Christine Ehrel observe également que ce retour du chômage s’explique par les lourdes contraintes pesant sur les entreprises, notamment en ce qui concerne les coûts de production face à la concurrence internationale. D'une manière ou d'une autre, l'hiver s'annonce très difficile sur le front de l'emploi.