Divertissement

Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt : « Que ce livre fasse découvrir le prix des libertés »

2024-11-04

Auteur: Emma

Après des semaines de spéculations, Kamel Daoud a été couronné du prestigieux prix Goncourt le lundi 4 novembre, pour son dernier roman, *Houris* (Gallimard, 416 pages, 23 euros, numérique 15 euros). Ce roman puissant, empreint d'un lyrisme sombre et poignant, raconte l’histoire d’Aube, une jeune femme dont la vie a été brisée à l'âge de cinq ans lors d'une attaque sanglante, symbole de la « décennie noire » algérienne (1992-2002) où des affrontements entre groupes islamistes et l'armée ont provoqué des milliers de morts. Aube s'adresse dans le livre à Houri, l'enfant qu'elle porte en elle et qu'elle envisage d'avorter, tout en se rendant sur les lieux tragiques de son passé où elle a perdu sa famille et de nombreux villageois.

Être le premier écrivain algérien à recevoir le Goncourt dans un contexte de tensions historiques et mémorielles entre la France et l'Algérie revêt une importance incarnée. Kamel Daoud explique : « Ce prix a un sens immense, d'abord pour moi et ma famille, mais aussi pour les écrivains algériens limités par la peur de l'oppression politique. » Son succès pourrait leur offrir une lueur d'espoir et montrer que la littérature peut émerger même dans les contextes les plus obscurs.

A la question de savoir si ce livre peut avoir un impact sur la perception de la lutte pour les libertés, Daoud souligne l'importance d'aborder la vérité historique : « Ce roman vise à éveiller les consciences en Occident sur le prix des libertés, surtout pour les femmes, et à rappeler aux Algériens la nécessité d'affronter pleinement leur histoire, sans en fétichiser une partie au détriment d'une autre. »

Il ne cache pas ses préoccupations : « La France, à mon sens, reste aveugle face à la montée de l’islamisme et refuse de tirer des leçons de notre passé douloureux. J’espère que ce Goncourt ouvrira des yeux et fera réfléchir. » L'auteur, se comparant aux écrivains soviétiques d'autrefois, affirme que la littérature a le pouvoir de faire entendre des vérités souvent étouffées, et il appelle à un examen de conscience : « Ce n’est pas parce qu’on désapprouve l’impérialisme qu’on peut ignorer les souffrances causées par le goulag. »

Avec *Houris*, Daoud ne cherche pas seulement à raconter une histoire, mais également à faire entendre un cri de révolte et d'espoir, à la croisée des chemins entre mémoire et avenir.