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Julie Martinez, juriste : « DeepSeek-R1 bouleverse l'ordre technologique mondial, tout en soulevant des questions de souveraineté »

2025-01-29

Auteur: Léa

Le lancement du modèle d'intelligence artificielle (IA) DeepSeek-R1 par la Chine ne se limite pas à un simple avancement technologique. Ce modèle est en train de redéfinir les rapports de force dans la compétition mondiale pour le contrôle des technologies clés. Développé avec un budget modique de 5,5 millions de dollars (5,4 millions d'euros) et des ressources techniques relativement limitées, DeepSeek-R1 se positionne en concurrence directe avec des outils comme ChatGPT-4 d’OpenAI, qui ont nécessité des centaines de millions de dollars ainsi que des infrastructures sophistiquées.

Avec cette avancée, la Chine semble remettre en cause la vision dominante, longtemps soutenue par la Silicon Valley selon laquelle les percées majeures en IA ne peuvent provenir que de significatifs investissements financiers et d'infrastructures haut de gamme. Traduit en faits, c’est la domination de quelques entreprises (Google, OpenAI, Microsoft) qui concentre la plupart des ressources financières et des compétences spécialisées. Sous l'administration Trump, des programmes tels que Stargate ont été lancés pour sécuriser des investissements privés massifs (jusqu'à 500 milliards de dollars d'ici 2029), dans le but de conserver la suprématie technologique américaine face à la montée de la Chine.

Cependant, l'émergence de DeepSeek-R1 remet en question cette perspective. Développé avec des puces Nvidia H800, qui sont moins performantes que les H100 utilisées par OpenAI, DeepSeek-R1 semble avoir surmonté des obstacles matériels et techniques significatifs. En effet, ChatGPT-4 nécessiterait entre 50 et 60 millions d'heures GPU, avec des coûts d'infrastructure dépassant les 100 millions de dollars. Si cela s'avère exact, cela signifie que les sanctions américaines imposées depuis 2017, visant à limiter l'accès de la Chine aux semi-conducteurs avancés, n'ont pas eu l'effet escompté sur sa progression technologique.

Les ramifications de ce développement sont nombreuses et vont au-delà de la simple compétition technologique. Elles touchent également aux questions de souveraineté nationale, de sécurité des données et d'éthique numérique. La capacité de la Chine à développer DeepSeek-R1 avec des ressources relativement modestes pose une menace non seulement pour les géants technologiques américains, mais aussi pour les démocraties du monde entier, qui doivent maintenant revoir leurs propres stratégies dans le domaine de l'IA. La bataille pour le leadership technologique est loin d'être terminée, et les implications de cette révolution technologique pourraient transformer profondément notre société.