«Une menace majeure et injuste». Il y a quelques semaines, près de 12 000 artistes issus de divers domaines ont signé une pétition dénonçant l'exploitation excessive de leur travail par l'intelligence artificielle. Parmi ces signataires, des figures emblématiques telles que les membres de Radiohead, l'actrice oscarisée Julianne Moore, et l'écrivain lauréat du prix Nobel Kazuo Ishiguro.

Leurs inquiétudes se portent sur l'utilisation des algorithmes générateurs d'images, de textes et de voix artificielles, qui interviennent dans la création de publicités, le doublage, et même le clonage d'acteurs pour les besoins cinématographiques. Ces technologies s'alimentent des œuvres d'artistes et d'interprètes qui n'ont jamais donné leur consentement et ne perçoivent aucune compensation.

L'angoisse grandit, surtout en Europe. En France, une étude récente de la Société des gens de lettres (SGDL) et de la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (Adagp) révèle que 60% des auteurs se sentent menacés par cette évolution technologique, tandis que 16% constatent une diminution de leur activité, attribuée à la concurrence des IA. Les musiciens, danseurs et comédiens, à leur tour, se divisent : 55% soutiennent l'interdiction de l'utilisation de la technologie IA, tandis que 45% acceptent son intégration sous réserve d'une juste rémunération pour leur travail.

Les conséquences de cette révolution technologique se font particulièrement ressentir dans certains métiers. « Les doubleurs doivent désormais signer des autorisations pour que leurs voix puissent être utilisées par des intelligences artificielles, et parfois, ils sont contraints de corriger des erreurs de l'IA », déplore Elizabeth Le Hot, directrice de l'Adami, l'organisme de gestion de droits.

L'industrie de la création a déjà surmonté de nombreuses révolutions comme l'avènement du MP3, le piratage, le streaming, mais pour Elizabeth Le Hot, cette transformation est « par bien des aspects bien pire ». Selon elle, « l'IA remet en question l'existence même de nos métiers » tandis que d'autres y voient simplement un nouveau défi à relever. Dans ce contexte, des événements récents comme les grèves à Hollywood en 2022, où acteurs et scénaristes se sont battus pour des protections accrues, soulignent l'urgence d'une réponse adapative et collective face à cette menace.

Les ramifications de cette lutte vont au-delà des simples préoccupations économiques. Elles soulèvent des questions éthiques profondes sur la créativité et la propriété intellectuelle à l'ère numérique. Il est crucial pour les artistes de s'unir et de revendiquer leur juste place dans un monde où la technologie ne cesse d'évoluer. La question demeure : jusqu'où les artistes seront-ils prêts à laisser l'IA définir l'avenir de leur métier ?