Nation

"Il m'a pissé dessus" : maltraitance et violences des enfants placés dans des familles d'accueil sans agrément

2024-09-28

Un scandale choquant a été révélé par Radio France : des enfants du Nord placés dans des familles d'accueil dans des zones comme l'Indre, la Haute-Vienne et la Creuse, sans les agréments nécessaires. Entre 2010 et 2017, ces enfants ont subi des violences dans un environnement totalement non contrôlé. La justice a déjà convoqué 19 personnes devant le tribunal de Châteauroux pour leur implication dans cette affaire, dont le procès est prévu pour le 14 octobre 2024.

Cette affaire a longtemps été ignorée, malgré des faits particulièrement troublants. Ces enfants, pris en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) du Nord, ont été logés chez des familles qui ne détenaient pas l'agrément requis. Des témoignages accablants font état de maltraitance, certains enfants ayant même été victimes de sévices physiques et psychologiques graves.

Parmi les prévenus se trouvent deux fondateurs d'une association de Mouhet (Indre), qui ont monté, avec leurs compagnes, une structure d’accueil sans avoir les habilitations nécessaires. Ils ont établit un véritable "réseau" de familles d’accueil sans contrôle.

Romane Brisard, la journaliste qui a investigué cette affaire, a découvert des atrocités que les enfants ont dû endurer : gifles, coups de poings, strangulations, menaces avec des armes, et humiliations on ne peut plus choquantes. Les auteurs des violences tentent de justifier leurs actes en parlant de "recadrages".

Matthias, âgé de 22 ans aujourd'hui, est l'un des jeunes accueillis au sein de ces familles. Il raconte une scène particulièrement traumatisante, illustrant l'horreur de son expérience : "Ils ont commencé à boire de l'alcool, puis m'ont agressé et rabaissé. À un moment, l'un d'eux a baissé mon pantalon, et je me suis retrouvé dans une situation humiliante."

Ces enfants ont aussi été soumis à des punitions dégradantes et à du travail forcé, alors que l'ASE du Nord, en charge de leur protection, fermait les yeux sur ces abus, tout en finançant de telles familles avec des fonds publics. Au total, 630 000 euros ont été versés par l'État pour l'accueil de ces mineurs maltraités.

Mais les questions restent sans réponse : comment l'ASE a-t-elle pu ignorer de telles violations pendant sept longues années ? Jean Sanier, avocat représentant les victimes, critique sévèrement l'ASE pour son laxisme dans la gestion des placements, qui ont été effectués sans la moindre vérification des conditions d'accueil.

Des conditions de prise en charge déplorables au sein du département du Nord sont régulièrement signalées. Ce département est l'un des plus actifs dans les placements d'enfants, avec 12 000 mineurs sous sa responsabilité. Cependant, entre 2015 et 2018, 700 places d'accueil ont été supprimées alors que le nombre d'enfants nécessitant une protection continuait d'augmenter.

Olivier Treunel, représentant syndical SUD de l'ASE dans le Nord, alerte également sur la situation alarmante des enfants sans placement stable. Trop d'enfants se retrouvent à dormir dans des conditions inacceptables, y compris dans des hôtels miteux, faute d'alternatives appropriées.

Un appel à témoins a été lancé pour retrouver les autres jeunes qui n'ont pas encore été identifiés. Sur la soixantaine d'enfants victimes, seuls 19 ont été retrouvés, et beaucoup d'autres, devenus adultes, ont disparu des radars. Les conséquences de ce système sont dramatiques, car près de 50 % des jeunes sans abri ont déjà été pris en charge par l'ASE.

"Nous sommes là pour soutenir toutes les victimes qui souhaiteraient se manifester", déclare Homayra Sellier, présidente de l'association "Innocence en Danger". Elle a lancé un appel pressant pour que les témoins se fassent connaître. Le procès qui se tiendra en 2024 est une occasion cruciale pour faire la lumière sur cette affaire tragique et pour que justice soit rendue.