
Guerre en Ukraine : La destruction du barrage de Kakhovka engendre une "bombe à retardement toxique" de métaux lourds
2025-03-14
Auteur: Michel
Des scientifiques ont exprimé leurs préoccupations quant aux risques de contamination aux métaux lourds toxiques dans une étude récente, publiée le 13 mars, suite à la destruction du barrage de Kakhovka, survenue en juin 2023 en Ukraine.
Le 6 juin 2023, le barrage de Kakhovka, vital pour l'approvisionnement en eau de la centrale nucléaire de Zaporijia, a été en partie détruit dans une explosion qualifiée "d'écocide" par le Parlement européen et attribuée à la Russie. Cette catastrophe a libéré plus de 16 km³ d'eau dans le fleuve Dniepr, provoquant des inondations dévastatrices, la mort de dizaines de personnes, et privant de nombreux villages d'eau et d'électricité. Les écosystèmes environnants ont également souffert de graves dommages, selon une analyse parue dans la revue Science.
Les chercheurs mettent en lumière une menace insidieuse : une quantité alarmante de substances toxiques accumulées au fond du réservoir pourrait, au fil du temps, se déverser dans le Dniepr. Oleksandra Shumilova, l'auteure principale de l'étude, met en garde contre la présence d'une "bombe à retardement toxique" qui représente un danger non seulement pour les populations locales, mais aussi pour la biodiversité de la région.
"Les conséquences de cette pollution sont comparables à celles des radiations", prévient-elle.
Les chercheurs estiment que le fond du réservoir renferme près de 83 000 tonnes de métaux lourds, notamment du plomb, du cadmium et du nickel, qui sont hautement toxiques. Bien qu'il soit estimé qu'une fraction infime de ces métaux ait été libérée lors de l'explosion, les scientifiques redoutent que le reste des sédiments dangereux pénètre dans la rivière via le ruissellement et les crues saisonnières.
"La destruction du barrage a relâché des polluants accumulés, créant ainsi une source continue de contaminants pouvant être transportés par des inondations futures", résume l'étude.
L'eau du Dniepr est largement utilisée par les riverains pour compenser les pénuries d'approvisionnement en eau municipale, ce qui augmente le risque d'exposition à ces métaux lourds. Selon Shumilova, ces polluants peuvent s'accumuler dans divers organismes, traverser la chaîne alimentaire, et contaminer les végétaux, les animaux, et in fine, les humains.
L'étude met également en lumière les effets dévastateurs des métaux lourds, qui peuvent endommager le système nerveux, perturber le système endocrinien et entraîner des malformations congénitales chez les populations exposées.
Les scientifiques sont inquiets de la possibilité de nouvelles destructions, interrogés sur les conséquences "cataclysmiques" que pourrait engendrer la destruction d'autres barrages dans la région. Alors que les combats se poursuivent dans l'oblast de Kherson, la recherche sur place est compromise. Toutefois, la nature a commencé à reprendre ses droits, avec des observations de dispositifs de régénération, comme des saules et des peupliers qui ont recolonisé les terres, ainsi que des populations de canidés et de sangliers, et même la réapparition de poissons disparus depuis des décennies.
Les experts soulignent l'urgence de protéger les barrages dans les zones de conflit, attirant l'attention sur la nécessité d'une intervention au niveau international pour éviter des violations conduisant à de graves dommages environnementaux à long terme.
Avec les tensions géopolitiques croissantes, chaque nouvelle attaque pourrait exacerber la situation et conduire à une crise humanitaire aux conséquences catastrophiques.