Science

Fusion nucléaire : des lasers révolutionnaires pour une énergie abordable

2024-09-21

L’histoire de la fusion nucléaire pourrait bel et bien ressembler à une intrigue digne des plus grands films d’espionnage. Dans les années 80, le célèbre laboratoire de Los Alamos, connu comme le berceau de la bombe atomique, mène des recherches ultrasecrètes sur la fusion nucléaire. Les résultats de ces expérimentations, bien que classifiés, suscitent des discussions animées au sein de la communauté scientifique. Deux jeunes chercheurs, Conner Galloway et Alexander Valys, détectent le potentiel révolutionnaire de ces travaux. Leur rêve ? Transformer cette découverte en une source d'énergie illimitée, propre et, surtout, à coût modique.

Ces visionnaires vont ensuite fonder Xcimer, une start-up focalisée sur la fusion par confinement inertiel. Leur approche audacieuse consiste à utiliser des lasers ultra-puissants pour comprimer une petite capsule contenant des isotopes du combustible, comme le deutérium et le tritium, à des densités et des températures extrêmement élevées, provoquant ainsi la fusion. C’est une méthode très différente de celle adoptée par l'ITER (Réacteur Thermonucléaire Expérimental International), le projet international situé en France, qui vise à démontrer la faisabilité de la fusion par confinement magnétique.

Xcimer ne commence pas à zéro. En 2022, le National Ignition Facility (NIF) en Californie réalisait une percée historique en produisant plus d'énergie par fusion que ce qui était nécessaire pour initier la réaction. Pourtant, pour Galloway et Valys, cela n’est que le commencement. Leur ambition ? Développer des lasers capables de décupler cette énergie, passant des 2 mégajoules du NIF à un objectif ambitieux de 20 mégajoules. « Entre 10 et 12 mégajoules, c’est le point idéal pour une centrale commerciale », explique Galloway. Pour mieux évaluer une telle puissance, imaginez l'énergie d'un poids lourd de 38 tonnes lancé à 100 km/h, concentrée sur une cible de la taille d’un ongle pendant quelques millionièmes de secondes.

Cependant, le chemin vers la fusion commerciale reste semé d'embûches. Plusieurs questions cruciales se posent : comment récupérer l'énergie produite sans perturber la réaction? Quelles stratégies adopter pour protéger les matériaux du réacteur des particules hautement énergétiques? Xcimer explore des solutions innovantes, notamment l'utilisation d'une « cascade » de sel fondu pour absorber chaleur et particules, augmentant la sécurité du réacteur.

Le professeur Ian Lowe de l'Université Griffith appelle néanmoins à la prudence quant aux promesses de ce projet : « Je suis sceptique, car il me manque une représentation visuelle convaincante du processus d'extraction d'énergie sans interrompre la réaction de fusion ». Selon lui, la fusion ne sera probablement pas une solution à temps pour contrer les effets du réchauffement climatique, exacerbé par des émissions de CO2 de plus en plus préoccupantes. « Ma crainte est que même dans le scénario le plus optimiste, nous soyons chanceux d'avoir des réacteurs de fusion commerciaux d'ici 2050. Avant cela, nous devons décarboner notre approvisionnement énergétique si nous voulons éviter que la planète ne 'fonde' », poursuit-il.

Le défi s'annonce colossal, tout comme les investissements nécessaires à la réalisation de tels projets. Xcimer a déjà sécurisé 100 millions de dollars pour sa première phase d'expérimentation, mais il lui faudra des centaines de millions supplémentaires pour espérer voir un réacteur opérationnel d'ici le milieu des années 2030. Néanmoins, la promesse d'une production d'électricité à bas coût et à zéro émission est un idéal auquel s'accrochent les fondateurs de Xcimer ainsi que d'autres acteurs du secteur de la fusion. Valys constate que c’est « un changement pour l'avenir de l'humanité », et beaucoup espèrent que cette technologie pourrait devenir la clé pour un monde plus durable.