Nation

ENQUÊTE : Harcèlement, discrimination, fatigue : pourquoi les pompiers sont à bout

2025-04-04

Auteur: Julie

La devise des pompiers de Paris, "Sauver ou périr", est-elle sur le point de se transformer en "sauver et périr" ? Indispensables à la sécurité civile, les pompiers sont mobilisés pour secourir les populations lors de catastrophes et de crises. En France, le modèle repose sur environ 43 000 pompiers professionnels et près de 200 000 pompiers volontaires, qui, bien qu'indemnisés, ne perçoivent que peu de rémunération pour leurs services. Un sociologue, Romain Pudal, souligne que leur engagement est souvent motivé par des raisons financières minimales, comme le financement de la scolarité de leurs enfants ou l'acquisition d'une voiture. Cependant, ceux-ci sont extrêmement soumis à une hiérarchie stérile, qui utilise les vacations, les grades et les médailles comme moyens de contrôle.

Un exemple frappant provient de témoignages d'un pompier volontaire ayant cumulé 96 heures de garde consécutives. Ce phénomène a entraîné des questions juridiques sur la nature de leur contrat, qui devrait offrir davantage de protections similaires à celles des employés. En réponse, la direction générale de la sécurité civile a reconnu que des réflexions étaient en cours pour clarifier le statut des pompiers volontaires, dont plus de 3 300 casernes ne comptent que des volontaires dans leurs rangs.

Avec le recul des effectifs de casernes, qui ont diminué de 30 % en 20 ans, les pompiers se retrouvent face à une augmentation des interventions, dont 86 % concernent des secours à personnes. Les temps d'intervention se sont également allongés, maintenant souvent au minimum 20 minutes. Des tensions sociales émergent, mettant en lumière le stress et la frustration des pompiers, qui se heurtent à des attentes irréalistes. Ces professionnels, se retrouvant parfois confrontés à des insultes ou violences, font face à un système déjà confronté à de lourdes difficultés, notamment un manque de ressources sociales et médicales.

Une crise générationnelle se profile également. Les pompiers professionnels vieillissent, tandis que les jeunes recrues se font de plus en plus rares. Ce changement démographique pose des questions sur la soutenabilité et l'efficacité des services d'urgence à moyen terme. Le risque que ces professionnels soient déclarés inaptes dû à l'âge est de plus en plus présent, surtout avec la nouvelle réforme des retraites qui repousse l'âge de départ à 59 ans.

Les conditions de travail sont également mises en cause, avec des rapports faisant état de harcèlement moral et de discrimination syndicale. Plusieurs pompiers ont intenté des actions juridiques contre leur hiérarchie, pointant du doigt des menaces et des représailles pour avoir défendu des collègues.

Enfin, les alertes liées à la vétusté du matériel et des logiciels de secours sont alarmantes. Un incident mortel récent a mis en avant des retards inacceptables dans le déclenchement des alertes d'urgence, révélant des systèmes défaillants, malgré des rapports recommandant des mises à jour depuis plusieurs années.

Face à ces enjeux complexes, les pompiers sont actuellement dans une position de vulnérabilité, le modèle français de secours basé à 80 % sur des volontaires mettant en lumière des questions de maltraitance institutionnelle. Avec des suicides parmi leurs rangs culminant à 273 ces six dernières années, ces difficultés soulignent l'impératif d'une réforme urgente pour garantir la sécurité et le bien-être des pompiers, ainsi que l'avenir de la sécurité civile en France.