Affaires

Devoir de vigilance : la France fait machine arrière

2025-01-27

Auteur: Philippe

Le gouvernement français a récemment fait une demande surprenante à l'Union européenne : suspendre l'application de la directive sur le devoir de vigilance, adoptée en juin dernier, afin de réduire la charge bureaucratique pour les entreprises. Cette demande a rapidement suscité des critiques virulentes, notamment de la part des ONG, qui voient dans cette initiative un renoncement aux valeurs de responsabilité sociale et environnementale.

Un changement de cap significatif pour la France

Benjamin Haddad, ministre délégué en charge de l'Europe, a déclaré sur le réseau social X que "nos entreprises ont besoin de simplification, pas d'un alourdissement administratif supplémentaire". Ce revirement est d'autant plus notable que la France avait initialement soutenu l'élaboration de cette directive ambitieuse, conçue pour imposer des normes rigoureuses aux multinationales concernant le respect des droits sociaux et environnementaux à chaque étape de leur chaîne de production.

La directive européenne, inspirée d'une loi française de 2017, visait à contraindre les entreprises à prendre des mesures concrètes contre le travail des enfants, la pollution et la perte de biodiversité. Adoptée dans un contexte où la responsabilité sociale des entreprises est devenue une priorité, elle était conçue comme un modèle pour encourager un comportement éthique dans le monde des affaires.

Cependant, les récents défis économiques et les préoccupations concernant la compétitivité des entreprises européennes ont conduit à ce retournement. Le rapport Draghi, publié en septembre, souligne que la réglementation environnementale pourrait freiner la compétitivité des entreprises en Europe. Pour répondre à ces préoccupations, le ministre de l'Économie, Éric Lombard, a plaidé pour une révision de la directive lors d'une réunion à Bruxelles, proposant de relever les seuils de salariés et de chiffre d'affaires, et d'exclure les entreprises financières des nouvelles obligations.

Une réaction controversée face aux critiques croissantes

Cette demande de suspension s'inscrit dans une stratégie nationale visant à alléger les exigences réglementaires pour les entreprises, en réponse à une concurrence mondiale de plus en plus féroce. Dans un communiqué officiel, le gouvernement français a déclaré : "L'Europe doit réviser des législations récentes qui ne correspondent plus aux réalités du marché mondial". Pourtant, cette démarche a suscité une forte indignation parmi les ONG.

Neuf organisations, dont Oxfam France et les Amis de la Terre, ont dénoncé cette initiative, la qualifiant d'"irresponsable". Elles craignent que ce texte essentiel pour répondre à la crise climatique et sociale ne soit affaibli par la France, cédant ainsi aux pressions des lobbies patronaux. "Il est crucial d'instaurer des réglementations strictes pour garantir la responsabilité des entreprises face aux enjeux climatiques", ont-elles averti.

La France, qui se posait comme un leader en matière de réglementation sociale et environnementale, envoie un message contradictoire avec sa demande de suspension de cette directive. Ce retournement pourrait non seulement éroder les attentes en matière de responsabilité des entreprises, mais il pourrait également constituer un ralentissement significatif dans la transition vers un modèle économique plus durable. Alors que le débat fait rage, il reste à voir comment cette situation va évoluer et quelles pourraient être les conséquences sur le terrain.