
Dans les cendres et les larmes, la mission désespérée de sauver une forêt thaïlandaise brûlée
2025-04-04
Auteur: Chloé
Au cœur de la réserve naturelle d'Umphang en Thaïlande, la généticienne Inna Birchenko pleure. Elle n’avait pas imaginé que cette forêt, où elle était venue collecter des spécimens d’arbres, serait réduite en cendres. La fumée vaporeuse s’accroche encore à l’air, un cruel rappel des ravages causés par le feu.
"Cette magnifique communauté d'arbres et d'animaux est en train de disparaître sous nos yeux", se lamente-t-elle, choquée par la destruction immédiate. Inna, travaillant avec des scientifiques de Thaïlande et du Royaume-Uni, avait pour mission de récupérer des graines et des feuilles pour étudier comment la température et l'humidité influencent la germination des essences de la forêt. Ces recherches pourraient potentiellement aider à reboiser avec des arbres adaptés aux conditions climatiques de plus en plus extrêmes.
Cependant, à Umphang, la réalité est terrifiante. Les chercheurs constatent un déclin dramatique, causé par des activités humaines, et réalisent que même des zones supposément protégées sont vulnérables. Leur randonnée est devenue une marche désolante sur un sol noir de cendres, marquée par les restes de la forêt. Ils découvrent également des terres défrichées, transformées en champs de maïs, et des traces inquiétantes d'absence de faune, autrefois abondante.
"Cela me fend le cœur", confie Nattanit Yiamthaisong, doctorante à l’université de Chiang Mai travaillant avec Inna. "Je croyais que les réserves naturelles étaient à l’abri… je ne m’attendais pas à voir tant de destruction".
Les incendies de forêt sont fréquents en Thaïlande, particulièrement au printemps, en raison des brûlis agricoles. Bien que ces pratiques puissent enrichir le sol, elles présentent de graves dangers. En raison du changement climatique, la fréquence et l'intensité de ces incendies augmentent, menaçant ainsi la survie des forêts qui pourraient ne jamais s'en remettre.
Des images satellites montrent une augmentation alarmante des incendies dans des zones protégées. Même à Chiang Mai, des pompiers luttent contre les flammes, mais la réserve d'Umphang, éloignée et oubliée, souffre de la négligence. Les gardes forestiers, peu équipés et sous-payés, peinent à protéger cette biodiversité précieuse.
"La forêt tropicale que nous espérions trouver a disparu", déclare Jan Sala, expert en germination. Son projet, mené avec Inna, vise à comprendre et prédire la résistance d'arbres spécifiques face au changement climatique. En Angleterre, après la collecte, ils feront germer les graines et analyseront les mutations génétiques pour identifier celles qui permettent une meilleure résilience.
Au cours de leur mission, l'équipe collecte des spécimens de trois arbres variés : l’albizia odoratissima, le phyllanthus emblica et le sapindus rarak, tous essentiels à la biodiversité locale et au fonctionnement écosystémique. Malgré les difficultés, l'équipe continue son travail avec détermination, collectant des graines et des feuilles pour les préserver dans l'herbier des Jardins botaniques royaux de Kew.
Inna Birchenko conclut avec une note d'anxiété : "Nous faisons de notre mieux, mais cela peut sembler trop peu et trop tard face à ce qui se déroule ici". Ces collectes de spécimens à travers la Thaïlande, où toutes les zones ne sont pas touchées par le feu, représentent une lueur d'espoir : une capsule de diversité génétique pour l'avenir. Mais alors que le désastre se poursuit, l'urgence de l'action en faveur de la protection des forêts n’a jamais été aussi pressante.